Osman Jérôme

Les sacrifices d’étudier dans une langue étrangère

Old Books : pixabay.com
Old Books : pixabay.com

A l’instar de plusieurs futurs professionnels de ma génération, j’ai toujours rêvé d’étudier dans un pays étranger. Si je ne savais pas où exactement, j’avais une préférence pour les pays francophones. C’est plus qu’évident. Car l’apprentissage serait bien plus facile. En effet, contrairement à cette préférence, me voici depuis quelque temps en République dominicaine pour mes études en Psychologie.

En effet, même si étudier dans un pays hispanophone, voire en République Dominicaine n’a jamais été mon rêve. Mais une fois que la situation se présente, je m’adapte, je m’accommode. D’ailleurs, n’a-t-on pas toujours dit que le liquide prend toujours la forme du récipient qui le contient ?

 L’aventure

Tout d’abord, comme tout étudiant étranger qui se respecte, une fois débarqué ici, je me suis fait inscrire à un institut de communication pour apprendre l’espagnol avant de franchir les portes de l’université.

A « Andrea Escuela de Idiomas », j’ai passé quelques mois. Mais on dirait sans trop grand succès. Le problème est que, l’espagnol qu’on apprend à l’école est différent de ce qu’on parle et entend dans la rue. Donc, c’est un dictionnaire de différence quand on se communique avec son entourage.

Ici en République Dominicaine, la grande partie de la population s’exprime dans un espagnol propre à elle. On n’articule presque pas la lettre s, peu importe où elle se trouve dans un mot. Par exemple: au lieu de «Buenas noches, le Dominicain vous dit «Buena noche». «Buen día» au lieu de «Buenos días». Ou parfois, on avale tout bonnement une ou plusieurs syllabes d’un mot. Par exemples : on dit «Cómo estas, le Dominicain vous dit «como ta. «Tamo bien» pour «Estamos bien». «Toy mal» en guise de «Estoy malo». C’est comme ce qu’on appellerait en français une économie articulatoire.

On ne rencontre pas seulement ce problème avec les gens de la rue. Même les espaces universitaires ne sont pas épargnés.

Dans une telle situation, l’étranger que je suis, ne maîtrisant pas encore totalement la langue, se trouve très coincé dans le processus d’apprentissage. Car, entre l’obligation de comprendre le langage du professeur et l’exigence de saisir son exposé, parfois j’ai rien compris. Et, quand il vient le moment pour un professeur de dicter une note, là c’est comme la mer à boire. Mais, heureusement j’ai des collègues étudiants, étant toujours prêts à me prêter leurs cahiers de notes pour remplir les miens, même si souvent tout n’est pas toujours lisible et compréhensible.

En dépit de tout, les résultats sont plus que satisfaisants. On espère pouvoir faire mieux, tout en ayant gain de cause de cette langue espagnole, parlée par les Dominicains à la leur propre manière. «Entendiste» ? Non, «Entendite», comme le dirait le Dominicain.

Osman Jérôme


Médicaments en pleine rue : pour la maladie ou la santé

Vente de médicaments illicites en Haïti © lavimiyo
Vente de médicaments illicites en Haïti © lavimiyo

Les inquiétudes se suivent et se ressemblent presque toutes. On dirait que, c’est dans notre nature de perdurer dans le malheur. Quelques mois de cela, sur ce même espace, on a soulevé la question de la vente de la nourriture en pleine rue ; un mal. Mais une nécessite aussi. Un mal, puisque dans la plupart des cas, les normes hygiéniques font tout bonnement défaut. Une nécessité, parce que cette activité est une réponse à une demande. Très forte d’ailleurs. On a aussi réfléchi sur l’achat et la vente des devises sur les trottoirs. Une activité très dangereuse, pour diverses raisons ; l’insécurité notamment.

La débrouillardise

Aujourd’hui, nous poursuivons notre serié de réflexions cette fois-ci sur la vente des médicaments en pleine rue. Un phénomène de jour en jour plus fréquent sur presque dans toutes les villes en Haïti.

«Degaje pa peche» (se débrouiller n’est pas un péché). Ce refrain est très  populaire en Haïti. Convaincus que se débrouiller n’est pas un péché, l’Haïtien se crée toujours quelque chose à des fins économiques. Dans ce  phénomène de débrouillardise, on ne peut ne pas s’étonner aussi devant la monstruosité, la méchanceté, l’ignorance, traduisant l’idée de certains Haïtiens, qui se versent dans n’importe quoi, pour des rentrées économiques. Cependant, sans penser à la vie des autres ou aux conséquences néfastes de ces activités, jugées parfois très illicites.

La peur d’être malade

En effet, la maladie comme étape naturelle de la vie, n’est pas toujours acceptée entant que telle par l’homme. Comprise entre la vie et la mort selon la gravité de la situation, elle serait une ennemie proche de l’homme. Raison pour laquelle que, certains se battent toujours à avoir une santé robuste, loin des anomalies, des symptômes, des douleurs qui rendraient malades.

Donc, pour ainsi dire, quand un petit malaise se présente, la première chose est où serait de consulter un médecin. Malheureusement, c’est une pratique bien moins fréquente en Haïti. Car, on n’est pas tous à avoir le privilège de consulter un médecin privé. De plus, les dispensaires publics ? C’est un manque  flagrant.

A moindre symptôme, de malaise, de douleur ou de fièvre, certains Haïtiens pensent très souvent à un thé de « asosi » ou de n’importe quelles autres plantes naturelles, suivant le problème en question. L’autre alternative est de recourir à x ou y médicament, que l’on dit ou que l’on croit être bon pour tel ou tel problème. Ou le plus souvent, on a vu dans telle pub que tel sirop est bon pour la grippe, et on s’en achète ipso facto sans aucun avis médical. Ignorance complète. Danger imminent.

 Manque de pouvoir d’achat 

Certains médicaments et produits pharmaceutiques sont très coûteux sur le marché commercial, particulièrement dans les pharmacies. Raison pour laquelle, les petites bourses se tournent toujours vers des petits bacs, arrangés sous le soleil, dans lesquels sont exposés tous types de médicaments. Un marchand de comprimés par-ci, un autre vendeur de sirop par-là, et la ville est décorée par ces petites tables en étagères où sont joliment arrangés des médicaments de toutes sortes : anti-inflammatoire, antidouleur, antigrippale, sirop, gel, crème. Presque rien ne manque pour faire de ces tables une véritable pharmacie en plein air. Peut-être, faites-vous les mêmes idées que moi, quant à la dangerosité de cette activité ?

La santé de la population, semble n’est pas toujours une priorité pour les autorités concernées. Avoir des centres de santé répondant aux besoins des gens, est encore des projets à l’oral. Le peuple se livre à lui-même pour sa santé. Par conséquent, quand on ne se sent pas bien, on fait comme on peut. Certains n’hésitent pas à recourir à ces marchands de médicaments, pour se faire soulager, achetant un comprimé ou un médicament, très souvent conseillé par le vendeur lui-même. Bien souvent ces machann grenn ne savent ni lire ni écrire. De surcroit, il faut s’attendre à des tristes cas, où ni vendeur, ni consommateur ne sait rien quant à la date d’expiration du produit. C’est de l’hébétude à la perfection.

D’autre part, sur les trottoirs où ils sont installés, ces «doktè grenn» (docteurs de comprimés), comme on les appelle ironiquement, reçoivent parfois des patients avec des prescriptions médicales. Dans une telle situation qui dépasse la stupidité, le cas du malade risque de s’aggraver, car même le marchand ignore le contenu médical de ses produits, voire la posologie des médicaments. Et à ce sujet, le président de l’Association des Pharmaciens Haïtiens (APH) est clair : « Les marchands de médicaments ambulants dans les rues représentent une véritable menace pour la santé de la population. Ils sont des tueurs silencieux. Quand leurs médicaments ne sont pas contrefaits, ils sont avariés et quand ils ne sont ni contrefaits ni avariés, ils sont stockés dans de mauvaises conditions», a déploré M. Dénex Frédéric.

Entre-temps, ces marchands fonctionnent en toute quiétude au vu et au su des autorités sanitaires. Ces dirigeants, qui ne font presque rien pour faire disparaitre cette pratique, ayant déjà causé des préjudices à la santé de plusieurs membres de la population.

Osman Jérôme


Féministes occasionnels

Women portrait (C) pixabay.com
Women portrait (C) pixabay.com

« L’esprit n’a pas de sexe. » (François Poulain de la Barre). « La femme est un éternel problème, dont la grossesse et la solution. » (Nietzsche). Avérés. Fougueux. Déterminés. Des hommes et des femmes féministes et anti-féministes, le monde en a connu beaucoup. Et on connaîtra d’avantage. Car ne vous mentez pas, cette lutte pour l’égalité entre homme et femme a encore de beaux jours devant elle. Et ceci, peu importe les sociétés en question. D’ailleurs, la survie même de l’existence du monde est à la merci des inégalités, des luttes. Allez demander à Charles Darwin si vous ne me croyez pas.

Comme pour respecter la tradition conventionnelle, vieille de plusieurs décennies, la journée du 8 mars a été célébrée à travers le monde, notamment en Haïti. Un mot, un geste, un cadeau. C’était une journée spéciale pour les filles. Des manifs. Des déclarations. Des discours. Madame, monsieur, comme on pouvait s’y attendre d’ailleurs, c’était une autre occasion pour parler de la FEMME. Femme  entant qu’être égal à  l’homme en droit et en nature ? Pendant 24h, la femme était le principal sujet de tous les débats. Elle a été honorée, vénérée, adulée. Mais aussi ironisée, persiflée, tant que certains commentaires sont entachés d’hypocrisie et de flatterie.

Sur les blogs, dans les forums de discussion, sur les réseaux sociaux, dans les émissions de radio et de télé, mise à part un regard sur ce qui se passait à Caracas où l’on rendait un dernier vibrant hommage au défunt Hugo Chavez, le charismatique président vénézuélien, Haïti était dédiée aux femmes ce vendredi.

Durant cette journée, surfant sur la Toile, j’ai eu la chance de tomber sur une pléiade de réflexions liées à la cause de la femme dans le monde, en Haïti en particulier. Sur Facebook par exemple, des gens, des proches, des amis que je n’aurais jamais imaginés, ont attiré mon attention et ma curiosité. Avec de belles expressions, de phrases flatteuses, ils ont écrit et dit des choses, qui, franchement, n’ont rien de ressemblance avec leur comportement, leur profil d’homme dominateur. Circonstance oblige? Certains de ces amis, véritables bourreaux pour leur partenaire m’ont vraiment épaté. Féministes circonstanciels ou changement de posture?

Cependant, peu importe ce qui est qui caché derrière ces discours, mais je souhaiterais que ce soit dorénavant, une autre façon de voir et de traiter la femme haïtienne. Cette dernière qui, trop souvent paye le prix incalculable de l’imagination primaire et bornée de certains de nos faiseurs de tubes. Ces êtres qui, trop souvent sont victimes d’une société haïtienne trop machiste et trop traditionnelle. Dans sa dernière réflexion, Nelson en a parlé avec beaucoup plus de finesse sur son blog.

En effet, si j’aurais à rejoindre certains philosophes cyniques, je rappellerais que nous sommes appelés à vivre selon les lois de la nature, et non selon les caprices des conventions sociales. Donc, traitez la femme comme cela se droit. Donnez-lui le pouvoir qu’elle mérite. Pour se faire, on n’a pas besoin d’un quelconque 8 mars pour enfanter des discours flatteurs, se démarquant bien souvent de la réalité. Mais, le monde est tellement est hypocrite.

Par ailleurs, toujours à ce sujet, mais sous un autre angle, je rejoins Tilou, un ami bloggeur qui, dans son dernier billet se questionne sur la solidarité féminine en Haïti. Là, c’est encore un grand dossier. Un autre débat.

Enfin, loin d’évoquer l’idée nébuleuse dans laquelle qu’on célèbre la journée du 8 mars, ayant produit chaque année une vague de féministes occasionnels. Loin d’être non plus ni féministe ni anti-féministe, je suis pour le respect total des Droits de la femme dans les sociétés du monde, dont celle d’Haïti en particulier. En privé comme en public, qu’elles soient à la place qu’il faut sans aucune discrimination de genre. Surtout que le savoir n’a ni de gamètes mâles, ni femelles, comme le dirait plus haut François Poulain de la Barre.

Osman Jérôme


Endurance sexuelle, trop de préoccupation

Endurence sexuelle-© Paola Grau
Endurence sexuelle-© Paola Grau

Se référant aux interminables débats qui se font autour de la sexualité, on peut aisément se faire une idée, combien que le terme de la conduite sexuelle est divers et complexe. Et à la fois fascinant. Bon, c’est bien qu’une évidence. Car, si l’on se recourt à la pyramide des besoins de Abraham Maslow, comme apaiser sa faim, étancher sa soif, la recherche à la satisfaction sexuelle est un désir primaire. Une gratification, dont l’homme ne peut se passer pour sa croissance physico-émotionnelle.

Par contre, la sexualité comme telle, est sujet à toutes sortes de diffamation et de déformation. Et n’en parlons même pas de la conduite sexuelle, qui renvoie très souvent à des monstres contradictions. Surtout quand la culture se mêle de la partie.

Chacun de nous (sauf dans certains cas d’abstinence ou autres circonstances particulières), entretient des rapports sexuels. D’ailleurs, le sexe (comportement sexuel ou de reproduction), c’est bon pour la santé. De nombreuses études scientifiques l’ont prouvé. C’est comme un regain d’énergie, qui nous procure une sensation de rajeunissement et prolonge notre vie.

La question du temps 

En effet, tout bon rapport sexuel exige au moins certains critères. La disposition des partenaires, l’érection, la virilité et (l’endurance ?). Ce n’est pas moi qui vous l’apprends d’ailleurs.

Chez nous en Haïti, comme d’ailleurs dans beaucoup d’autres pays, l’endurance sexuelle est un sujet de grande préoccupation. On dirait que la pleine satisfaction sexuelle se résume au minutage du coït ? En effet, ici en Haïti, très souvent, quand un mec n’est pas capable de tenir la tête pendant un temps record dans un rapport sexuel, il ne se sent pas «djanm». Il n’est pas digne d’être garçon. Donc, c’est un cas perdu, ironiseraient les plus taquins. Vous riez sans doute. Mais ce sentiment de culpabilité n’est pas pourtant innocent. Car certaines de nos filles ne ménagent pas leurs mots, quand il s’agit d’injurier les adeptes des brèves performances. Les hommes «incapables» sont souvent traités de toutes sortes de mauvaises expressions : salaud, «payas», «pa itil», «bonjou pwèl», «sal pwèl». Voire si la gazelle reste encore avidement sur sa soif.

L’éjaculation précoce, l’ennemie # 1

Le terme est vieux comme l’histoire de Daniel dans la force aux lions, mais il garde encore toute sa fraicheur dans notre vie quotidienne. Le concept en soi est complexe. Il renvoie à autant de définitions concordantes et divergentes aussi. Mais, en toute simplicité, «l’éjaculation précoce est définie bien souvent comme une condition où l’homme éjacule trop rapidement avant ou après la pénétration». Mais combien de temps doit prendre une pénétration pour que vienne la satisfaction ?

D’ailleurs, pour certains, la notion de précocité sexuelle est très subjective ; ce qui est rapide pour un couple ne l’est peut être pas pour un autre, et les femmes ont toutes une différente idée entre rapide ou pas». Suivez bien mon regard !

Aux grands maux, aux grands remèdes

La peur de ne pas pouvoir répondre à la satisfaction sexuelle de leur partenaire, devient un trouble pour certains. Par conséquent, la solution est de se mettre à la hauteur. Et comment ? Par n’importe quel moyen. Et ceci, peu importe le risque sanitaire qui s’en suit.

Bon, on a tellement proposé de solutions (très souvent inefficaces) à l’éjaculation précoce, parfois on dirait que, ce n’est de la spéculation ou de la divagation gratuite. On dit, on invente n’importe quoi, ayant rapport à ce trouble sexuel. Quoique identifié, loin d’une résolution durable, bien souvent le problème persiste. Mais que faire ?

Voulant remédier à cette problématique d’insuffisance sexuelle, les victimes courent à toutes solutions imaginables : sexologues, médicaments, produits chimiques (gel, spray, boissons énergisantes), produits naturels (boutèy bwa, pistach, lanbi), entre autres.

Risques sanitaires 

A défaut de ne pas pouvoir consulter un médecin spécialiste, les gars ont recours à toute une gamme de produits chimiques ou naturels sans aucun avis médical. Des produits, dont les conséquences néfastes ne sont pas toujours immédiates.

D’emblée, le jeune qui souffre de cette perturbation sexuelle, qui ne fait pas honneur à sa réputation d’homme, s’accompagne souvent son « pwa » ou de son « STUD 100 ». Des produits qui retardent (longuement) l’éjaculation. Mais à quelle fin ? À quel risque ?

Selon certains témoignages, l’utilisation de ces produits, stimulent tellement l’endurance, qu’il arrive dans des cas que le pénis du garçon soit anesthésié. Par conséquent, il devient difficile que l’organe se soit dégonflé, même après deux heures d’activité. Évidemment, ce qui peut entrainer des effets perturbateurs sur la santé de l’utilisateur. À chaque avantage, son inconvénient. Pas de panique ? Mais combien d’utilisateurs de ces substances ont été déjà hospitalisés ? Combien d’entre eux ont, définitivement perdu leur érection après un certain temps ?

Ces derniers temps, l’Haïtien invente toutes sortes de trucs pour être plus performant au lit. Maintenant, parallèlement à la consommation abusive des substances, on parle de «sapatann», «polis kouche», «zo reken». Des formules montées de toutes pièces pour prolonger bêtement les rapports sexuels. Par conséquent, les techniques de l’amour, l’aspect émotionnel de l’expression sexuelle, tout semblerait méprisé au profit de l’endurance. L’acte sexuel est dénaturé.

Aujourd’hui, on est  face à une situation où l’acte sexuel se résume presqu’à une question d’endurance. D’un trait, le sexe devient un combat sans faille, une lutte acharnée. L’utilisation des produits, de stimulants pour être performant, a dépouillé le rapport sexuel de son caractère sacré. Quel dommage en tout cas ! Car, pour répéter le psychothérapeute et sexothérapeute Alain Héril, «Ce qui fait l’alchimie d’une sexualité épanouie, ce n’est pas la quantité, mais la qualité de nos échanges». Que celui qui a de l’intelligence, comprenne.

Osman Jérôme


Qu’avez-vous fait de mon pays ?

Jean-Claude Duvalier via noticiassin
Jean-Claude Duvalier via noticiassin

Port-au-Prince, Haïti. Jeudi 28 février 2013. Loin de ce qui se passait au Vatican, où pape Benoit XVI doit officiellement démissionner de ses fonctions à la tête (malade) de l’église catholique, tout un pays est en alerte. Quelque chose de spécial va se passer : Jean-Claude Duvalier va enfin comparaître par devant un tribunal en Haïti. Ce, après trois convocations manquées depuis son retour au pays. L’ex-dictateur a décidé de répondre aux questions de la justice de son pays pour diverses plaintes déposées contre sa personne.

Victimes, sympathisants, journalistes nationaux et internationaux, simples curieux observateurs, les périmètres de la Cour d’appel de Port-au-Prince étaient bondés de gens ce jeudi matin. L’évènement en valait bien la peine. Il ne s’agit pas d’une petite bête sans poils, c’est une bête à cornes. Une bête à nom. Un nom fort, puissant. C’est un nom à sensation, et qui donne frisson. Madame, monsieur je ne vous invente absolument rien. D’ailleurs, la jeunesse de mon âge ne me le permettrait pas non plus. Bref.

Mr. Jean-Claude est de retour au pays en janvier 2011, soit après 25 ans d’exil en France. Et depuis, sa présence n’a cessé d’alimenter les débats dans la société haïtienne, dont certains membres gardent encore des souvenirs cauchemardesques de son régime. Entre temps, des organisations des Droits de l’Homme en Haïti comme à l’étranger n’ont cessé de faire pression sur les autorités haïtiennes d’entamer des actions en justice contre l’ancien tyran de 61 ans. Ce dernier, reproché entre autres pour la violation des droits humains, des crimes contre l’humanité,  des exécutions sommaires, des détournements de fonds, ayant caractérisé son long gouvernement dictatorial, de «kanson fè».

Diplomaties. Démagogies. Va-et-vient.  Enfin, l’ancien chef des «tontons macoutes» a été auditionné le 28 février dernier  par des juges de la Cour d’appel de Port-au-Prince. Ce, en raison à des multiples plaintes déposées par plusieurs victimes de son règne  (1971 à 1986). En effet, comme pour se défendre face à ses accusés, l’ex-chef de l’Etat à vie nie toute responsabilité dans des actes de torture, d’exécution d’opposants politiques, de violation des droits humains imputés à son régime de 15 ans.

« Qu’avez-vous fait de mon pays ?», a exclamé Baby Doc en pleine séance d’audition. «Le pays s’est effondré à mon retour, je retrouve un pays ruiné, une corruption sans borne qui freine le développement de ce pays», a pesté  l’ancien homme fort de Port-au-Prince. Donc, il veut bien des explications ? A défaut d’en pleurer, certains ont en plutôt rit. Comme si ce fut une blague, une plaisanterie à la Jesifra, notre comédien # 1.

« Qu’avez-vous fait de mon pays ?». Provocation, défense, offense, vérité, cette question a eu l’effet d’une bombe. Et en si peu de temps, les réponses et les réactions n’ont pas tardé à venir. Entre pour ou contre, les discussions sont animées. Entre temps, à la huitaine, l’ex-premier citoyen de la nation est attendu une fois de plus au même en droit pour les suites de ce dossier, dont la fin semble n’est pas pour demain. Spectateurs, observateurs, soyez de tous yeux et de toutes oreilles, le spectacle s’annonce encore plus excité. Conservez bien vos tickets. A suivre.

Osman Jérôme

 


Kita Nago, et après?

Kita Nago-Ouanaminthe-retbranche.com
Kita Nago-Ouanaminthe-retbranche.com

Aujourd’hui, dans cette réflexion sur l’Autre Haïti, je me permets de revenir sur une actu qui, pour une raison ou une autre, a fortement marqué les esprits en Haïti, au début du nouvel an. J’ai entendu. J’ai suivi. J’ai réfléchi. Et un mois après j’ai réagi.

En effet, j’aurai bientôt trente ans. J’appartiens plutôt à cette génération, témoin d’une Haïti  de «dechoukay», de «kraze brize», de coups d’état, d’instabilité. Mise à part quelques occasions particulières, j’ai rarement vu un peuple haïtien aussi solidaire, aussi participatif, aussi impliqué dans un projet commun. Kita Nago demeure un exemple, une histoire, un symbole. Mais malheureusement, la lumière n’a pas toujours eu raison des ténèbres. L’ignorance l’emporte bien souvent sur la raison. 

Haïti, premier janvier 2013. Premier  jour de l’an. Célébration du 209e de l’indépendance nationale. La traditionnelle odeur de la soupe au giraumont pétillait dans la cuisine de la famille haïtienne. Riches ou pauvre. Noirs ou mulâtres. L’Haïtien qui se respecte, obéit toujours à cette tradition ancestrale, vielle comme notre indépendance en tant Peuple libre. Bref.

Tandis que le Président de la République, prononçait son discours traditionnel sur la place d’Armes des Gonaïves (cité de l’indépendance), Harry Nicolas s’est mis à la tête d’un groupe de gens, pour donner le coup d’envoie de la caravane Kita Nago (bwa a).

L’idée était de faire transporter un tronc d’arbre de 500 kilos de la commune des Irois (Grand-Anse/Sud-ouest) à Ouanaminthe (Nord-Est).  Soit un trajet de 700 km, traversant le pays d’un bout à l’autre. Pas de voiture, le bois sera transporté de main en main. Idée folle ? Mais lourde de sens.

Kita Nago-Carrefour-ayitinews.com
Kita Nago-Carrefour-ayitinews.com

Subitement, Kita Nago a vite capté les esprits. Et en un laps de temps, le sujet occupe la une des journaux et les éditions de nouvelles du pays.

Du premier au 27 janvier. Des Irois à Ouanaminthe, Harry Nicola aka Mèt fèy vèt a fait du buzz. Kita Nago a fait sensation. De ville en ville, de département en département, c’est le même délire pour accueillir la caravane. Voire que l’Haïtien, que je connais est un «anvi wè». Hommes et femmes. Jeunes et vieux. Tout le monde veut voir le bois, le toucher, le transporter.

Entre-temps, les doutes surgissent. Quelle serait l’objectif d’une telle initiative, pleine de fougue ?, se sont demandés certains fins observateurs. Le fougueux entrepreneur a bien eu la réponse. «L’idée, c’était de montrer que, l’haïtien est un peuple solidaire, capable de s’unir pour une cause commune». Même les pessimistes avérés ne contrediraient pas. L’union a toujours fait la force en Haïti. Même pour diviser. C’est moi qui vous le dis.

Dans un élan de solidarité Made in Haïti, Harry Nicolas, avec son fameux tronc d’acajou symbolique, a trainé des milliers de gens dans les rues où le bwa a été reçu. A Port-au-Prince, aux pieds de la statue du Nègre Marron aux Champs-de-Mars, on a eu même  droit à la présence du Premier citoyen de la nation, étant venu lui-même participer à sa manière à cette marche symbolique.

https://youtu.be/KITYLC9x_Z0


Kita Nago trahi par l’analphabétisme

Nous sommes en Haïti, où malgré des efforts consentis, le taux de l’analphabétisme est loin de faire honneur à une République, vieille de plus de deux siècles d’indépendance. Aujourd’hui encore, s’alphabétiser est un luxe pour certaines couches de la population. Donc, il est évident que, le sérieux soit toujours détourné en dérisoire par ceux qui n’y comprennent rien. Et d’ailleurs, si ce n’est pas bien. Il n’est pas mal non plus.

En effet, que l’on soit pour ou contre, l’idée productrice du Kita Nago ne serait être que géniale, patriotique, porteuse d’espoir pour un peule divisé. Un signe de réconciliation du peuple avec lui-même. Même si on serait loin de faire une idée exacte de l’intention d’Harry Nicolas, initiateur de ce mouvement. Mais ce qui importait le plus, ce qu’il a voulu monter que la notion d’unité est encore présente dans l’inconscient collectif du peuple haïtien. Et il l’a fait. De la Grand-Anse à l’Ouest. De l’Artibonite au Nord. Du Nord au Nord-Est, combien de gens ont pris les rues pour appuyer ce projet ? On a avancé les chiffres de 4 millions.

Malheureusement, le sens polysémique du mot bois en Haïti, aurait tout chambardé. Dans le vocabulaire créole haïtien, familièrement, l’expression bois a l’équivalence du mot pénis, l’organe génital masculin. Tout au long de la caravane, on pouvait entendre les gens (filles et garçons) débiter des expressions grivoises formées avec le mot bois (dans le sens haïtien). Et dans un cillement de paupières, Kita Nago est dépouillé de son idée du départ. Cette marche historique s’est transformée en une manif de « kout gouyad» (de déhanchements) où la grivoiserie et l’obscénité se confondent. C’était plutôt une ambiance de carnaval après la Noël. Et comme on aime ça en Haïti, le courant a bien passé. Et le public s’en est bien régalé.

Ouanaminthe. Dimanche 27 janvier 2013. Kita Nago est arrivé à sa destination. Paris gagné pour Harry Nicolas. Le principal initiateur de ce mouvement, qui affirme avoir caressé ce rêve depuis trente ans. L’arrivée de Kita Nago à sa destination finale prouve que « les Haïtiens peuvent s’unir pour changer le pays », a estimé Mèt Fèy Vèt, tout invitant ses compatriotes à « converger leurs forces pour une seule Haïti ».

Un mois après. Et après ? Bon, on a qu’à remercier le public qui, consciemment ou inconsciemment, d’une manière ou d’une autre, a aidé à Harry Nicolas à réaliser ce projet. Et merci aussi à Mr. Harry Nicolas de nous avoir permis une fois de plus de faire une idée concrète du taux alarmant des «rien à faire» dans le pays.

Un mois après, la vie continue. On retourne à la réalité quotidienne. Reviennent les mêmes déchirements. Et Kita Nago demeure déjà à l’histoire ancienne. Le rêve de ce projet est vitement oublié.

Osman Jérôme


Ici, pas de crédit

Money Euros (C) pixabay.com
Money Euros (C) pixabay.com

«Ne me parlez pas de crédit, parlez-moi de Dieu». «Ici, le crédit est mort, les clients l’ont tué». «Ici, pas de crédit surtout pour vous». Autant d’avis et de messages, faisant le décor des murs et des planchers de beaucoup de petites boutiques de rue en Haïti, notamment à Saint-Marc. A défaut d’en pleurer avec de grosses larmes chaudes, on en rit à gorge déployée. Car le message est bien clair. Peu importe votre urgence, si vous n’avez pas votre argent compté, n’y allez même pas. Sinon, imaginez-vous le reste. Mais pourquoi en fait ?

En effet, avec le peu de moyens dont ils disposent, certains membres de la population haïtienne s’investissent dans le secteur informel. Grands commerçants. Commerçants détaillants. Marchands ambulants. On les colle toutes sortes de noms, suivant l’ampleur de l’activité commerciale. Par-ci, par-là, nombreuses sont les rues de la ville, occupées par des petites boutiques de provisions alimentaires, de quincaillerie, de produits pharmaceutiques, entre autres.

Dans certaine mesure, cela parait parfois très bénéfique pour la majorité de la population. Car bien souvent, les gens préfèrent faire leurs emplettes dans ces petites guérites au détriment des super marchés, où il faut être taxé bien évidemment pour le climatiseur et la génératrice. Donc, comme si nous autres, les consommateurs, nous ne sommes pas aussi des victimes de la rareté de l’électricité. Bref.

Madame, monsieur, si vous ne le savez pas encore, laissez-moi vous rappeler que, en Haïti, environ 70% de la population n’ont pas accès à ce fameux pouvoir qu’on appelle pouvoir d’achat. Même pour se nourrir. Et, cette situation semble, n’est pas encore trop grave pour attirer l’attention des responsables. Malheureusement, l’homme ne vit pas seulement de parole et de promesse, mais de pain tout d’abord.

En effet, comprenant la précarité de la situation, d’ailleurs, dont ils ne sont pas exempts, certains propriétaires accordent généreusement du crédit (une forme d’achat sans argent immédiat) à certains habitués de leurs négoces. La formule est simple : on a besoin de quelque chose. On n’a pas de l’argent disponible. Donc on achète et on vient acquitter sa dette après x jours. Ce qui permettra aux vendeurs d’avoir les moyens nécessaires de s’approvisionner des produits manquants ou de nouveaux articles.

En fait, le plus intéressant dans tout ça, c’est que, la dette une fois honorée, l’acheteur peut s’approvisionner à nouveau. Il viendra payer prochainement. Mais quelle créativité de l’esprit, Quelle idée géniale. Malheureusement, entre vendeur et acheteur, le rythme n’est pas toujours bien harmonisé. «Règleman konn gate zanmi», contrairement à ce qui est encré dans l’inconscient collectif des haïtiens.

En fait, si dans certains cas, la formule (l’achat à crédit) marche très bien, dans d’autres, non. Des clients refusent de payer. Parce qu’ils ne peuvent pas ou ne veulent pas ? L’un ou l’autre ? Parfois les deux mêmes. Ce qui contraint à certains propriétaires de fermer leurs portes aux acheteurs sans argent prêt. Hélas.

Mais, comment subitement refuser une bouteille de coca-cola à un habitué du bar, pour n’avoir pas dans ses poches les 15 Gourdes pour apaiser une soif ? Ou comment faire, pour ne pas livrer une boite de lait condensé à une mère, dont le nourrisson meurt de faim ? Cela parait évidemment un peu compliqué. Du moins, pour les moins intelligents. Alors, dans ce cas, pour éviter d’être piégé par sa conscience, trahi par sa sensibilité, guidé par son humanisme, le propriétaire avisé passe à l’offensive. Car, Business Is Business, dirait un ami américain.

Par conséquent, en lieu et place d’une affiche de Bienvenue, le client sera désormais reçu par «Ici, pas de crédit, surtout pour vous !». Alors, mais qui est ce vous ? Moi ou les autres ? Non, ceux qui n’ont pas honoré leurs dettes. Mais pas moi en tout cas.  Ne vous questionnez plus. Peu importe, c’est le crédit même qui est mort. Il est assassiné par les clients irresponsables. Donc, plus besoin de demander pour lui. D’ailleurs, s’il vous a été un bon ami, toutes nos sincères condoléances. A dieu !

Osman Jérôme


A quoi servent les études en Haïti?

Via hpnhaiti
Via hpnhaiti

De près ou de loin, Haïti est à des années de lumière d’être une société constituée. Un Etat où les dirigeants ont des projets concrets pour alphabétiser la population, former des jeunes professionnels. Cependant, malgré cet état de fait, tous les parents haïtiens responsables (riches ou pauvres, noirs ou mulâtres), rêvent tous d’une bonne éducation pour leurs enfants. Et ce, par peu importe le moyen. Car ils sont tous convaincus que, la réussite de leurs progénitures ne passent nulle part ailleurs, sinon que sur les bancs de l’école et les sièges de l’université. 

Pour certains, la réussite dans la vie ne dépend que des études. Oui des études primaires, secondaires et universitaires. Cette approche est quand même discutable. Car d’autres diraient tout bonnement que, la réussite dans cette vie n’est qu’un facteur de chance ou du hasard. Le hasard ? Oui, s’il existe vraiment. Puisque tout serait le produit de quelque chose.

Vous le savez peut-être déjà. Faire des études en Haïti n’est pas chose facile. Avoir accès à l’université est un privilège. Un privilège qui fait parfois des jaloux et des envieux. Des études en Haïti ; des gens y croient et se sont lancés. Mais enfin, après le titre, nombreux sont ceux qui se demandent, à quoi servent-elles toutes ces années d’études ? Peut-on continuer à cirer les bancs de l’école, dans une société qui fait peu de cas aux vraies valeurs ? Y a-t-il de l’espoir pour ces parents qui ont tout sacrifié pour l’éducation de leurs enfants ? Cela demande une lourde réflexion. Et cette situation m’a conduit jusqu’à la production de ce billet.

En Haïti, notamment dans les milieux ruraux, triste est de constater à quels types de sacrifices, que certains parents se sont livrés pour éduquer leurs enfants. Permettre à ces derniers de savoir lire et écrire, est souvent l’un des plus grands objectifs de ces parents, dont souvent la majorité ne sait ni lire ni écrire. Ils ont bravé tous les obstacles de la vie. Se faire humilier dans les usines, épuiser leurs énergies sur les plantations, vendre leurs bétails. Convaincus, qu’après études, leurs enfants peuvent décrocher des emplois pour répondre aux besoins de la famille, ces courageux parents ne ménagent jamais leurs efforts pour répondre aux exigences scolaires de leurs protégés.

Cependant, tous ces efforts, tous ces sacrifices vont être volés en fumée dans un système anarchique, de partisannerie et de corruption, caractérisant presque toutes les institutions en Haïti. Un système «2 grenn goch» où les plus capables ne sont jamais accédés à certains postes de travail. Un système de «parenn ak marenn» où li faut être fils de monsieur x ou de madame z pour être nommé à telle fonction. Un système corrompu où nos jeunes filles doivent avoir des rapports intimes aux patrons pour qu’elles puissent être employées ou augmentées en salaire. Un système démagogique, qui ne fait qu’encourager la fuite des cerveaux du pays vers d’autres terres. Que pena !, dirait un ami latino.

Ici en Haïti, c’est la politique du «moun pa». On gouverne avec  sa famille. On dirige avec ses amis. Même s’ils n’ont pas la moindre qualification pour tel poste. Entre-temps, ceux qui ont passé leurs temps à s’éduquer, se former sur les bancs de l’école, sur les sièges de l’université, restent comme chômeurs-professionnels avec leurs papiers, pourris dans les tiroirs.

Mais à quoi bon de continuer  à investir dans l’éducation d’un enfant en Haïti ? Se demanderaient les plus sceptiques. Peut-être, n’ont-ils pas raison de penser ainsi ? Surtout quand on ne voit même pas une lueur d’espoir de changement ? En tout cas, quoiqu’il en soit, il est préférable de continuer à se sacrifier pour la bonne éducation de ses enfants, car peu importe la durée de la nuit, le soleil finira par se lever. Même si on est face d’une triste réalité, où les diplômes ne servent presqu’à rien. Comme dirait notre ami mondoblogeur, René, dans le cas de son pays Cameroun.

OsmanJérôme


Des offrandes qui enrichissent et qui appauvrissent

Wallet with Euros, par Nino Barbieri (Wikimedia Commons)
Wallet with Euros, par Nino Barbieri (Wikimedia Commons)

Des histoires, des expériences personnelles, qu’elles soient intéressantes ou cocasses, j’en ai déjà évoqué plusieurs sur ce blog. Et sans vouloir rien vous promettre, il y en aura d’autres encore. Allons-y. Après «Après la pluie c’est le mauvais temps ?», publié mardi dernier, je vous reviens aujourd’hui avec une scène, peut-être déjà vécue par beaucoup d’entre vous. Avant même d’entrer dans les détails, je veux bien demander à Dieu d’avoir pitié de ceux, qui se sentiront offensés par le titre de ce billet. Qu’il puisse cicatriser ceux qui seront blessés par le contenu de cette réflexion. Amen!

Nous sommes à Puerto Plata (République Dominicaine). Dimanche 2 décembre 2012. Sous l’invitation de mon ami Joseph Castel Junior, lui aussi blogueur à ses heures, j’ai été visiter une église haïtienne. Cette aventure n’a rien à voir avec des veillées de nuit pas trop spirituelles, mais plutôt des églises aux pasteurs voyous. Pour l’occasion, j’ai été accompagné de deux autres camarades.

A l’église

Pour faire honneur à notre mauvaise coutume haïtienne, nous sommes arrivés un peu en retard à l’église. «Ce n’est pas la fin du monde. L’essentiel, c’était d’être là», a justifié notre ami, qui nous a invités.

Quatre murs. Une toiture en tôles. Deux portes. Des chaises et des bancs. Je ne peux mieux décrire physiquement cet espace où est réunie cette assemblée d’une cinquantaine de membres. Le temple n’est pas trop bien aéré, mais à bien observer le spectacle, on dirait que les fidèles se sentent à l’aise à adorer Dieu dans cette chaleur ardente.

10h30. Arrive le moment où le pasteur de l’église s’adresse à ses brebis. «L’habit ne fait le moine, certes, mais cela permet souvent d’identifier le moine». Vous ne me croirez peut-être pas, mais la tenue ridicule dudit pasteur m’a fait subitement oublier où j’étais : j’avais vraiment du mal à en croire mes yeux. Il était tout bonnement mal fringué pour une telle occasion.

Une chemise à manches courtes, larguée sur son pantalon. Un regard à faire peur. Une mine trop dure. Dans une articulation à peine compréhensible, l’homme de Dieu a débuté son intervention par des traditionnels coups de « Bénit soit l’Eternel », « Gloire à Jésus », entre autres. Et toute l’assemblée, comme un seul homme, lui répond en chœur à chaque cri.

D’emblée, l’homme qui portait une chemise froissée, a commencé à parler de l’argent. De l’argent pour s’approprier d’un nouveau terrain en vue d’agrandir le temple. De l’argent pour doter l’église de nouveaux instruments musicaux. De l’argent pour qu’il puisse renouveler son visa en attendant d’être détenteur d’une résidence permanente. Ce petit billet n’aurait pas suffit à énumérer les demandes du berger.

Et, intelligemment, après chaque demande, le patron de ce temple réclame un amen astucieux, pour s’assurer que le message est passé. Et se fait du même coup une idée des résultats positifs de ses quêtes.

D’un ton ferme, l’homme de Dieu s’est montré très critique, voir nerveux même vis à vis de ses ouailles. Dans une réunion antérieure, il a ramassé une somme qui ne fait pas honneur à sa réputation de bon quémandeur, de dechepiyè. Il se sent vexé. D’ailleurs, tout est pour la gloire de Dieu, a-t-il tempêté.

Donc, les membres de cette église doivent prendre conscience d’eux-mêmes. Ils doivent activement participer à l’avancement de l’œuvre du Christ. Par conséquent, ils doivent tout apporter à la maison du Seigneur, a martelé vigoureusement notre cher pasteur.

«Je ne donnerai pas un peso (monnaie locale) cette fois-ci», a grondé un frère dans mon dos. Ce dernier, contrairement à beaucoup d’autres brebis, paraissait avoir un peu les yeux ouverts sur l’attitude gourmande de son dirigeant.

Dans une moquerie à peine cachée, le pasteur s’est vanté, maladroitement en tout cas, que grâce à Dieu, depuis huit ans déjà, il vivit dans sa propre maison. « Que dites-vous l’église ? », demanda-t-il. Et comme des jouets programmés, toute l’assemblée, dont la majorité des membres ne sait pas à quel Saint se vouer pour payer son loyer, répond « Amen Pasteur ».

Et d’ailleurs, point n’est besoin d’être cultivé, pour se faire une idée du discours imprécis de notre cher pasteur. La nébulosité de son parler ne m’a inspiré aucunement confiance. Cependant, croyez-moi mes amis, les frères et sœurs vont se casser la tête pour ne pas décevoir leur honorable pasteur, alors qu’ils continuent à ne pas pouvoir envoyer leurs enfants à l’école, payer leur loyer. Dieu y pourvoira ! Amen.

Osman Jérôme


Après la pluie, c’est le mauvais temps

 » Après la pluie, c’est le beau temps « . Nous l’avons appris, et c’est ancré dans l’inconscient collectif. En effet, je n’ai pas la moindre intention de porter un démenti formel à ce dicton, vieux comme l’histoire de la mer rouge. Cependant, comme le voudrait bien l’Empirisme, il fallait au moins faire certaines expériences. Et cela aidera à comprendre que, bon nombre des adages, sont loin de coller à la réalité. La réalité « réelle », si vous me permettez cette expression. A moins que, ce soit l’exception qui confirme toujours la règle.

Saint-Marc, comme la plupart de certaines autres villes d’Haïti, fait face à un manque d’infrastructures criantes : des tas d’immondices servant de décor à certaines rues, la poussière qui vous bascule le nez, la non-irrigation des canaux.  Donc, un décor architecturel qui mérite d’être revu. Bon, heureusement que la ville est en chantier depuis quelque temps.

Par contre, n’était-ce pas ce problème, celui qui l’a déjà visitée, vous dirait tout simplement que, Saint-Marc est une ville pittoresque, aux allures exotiques et charmantes.  Mais, malheureusement, comme le pays lui-même, les défis d’ordre infrastructurel de la cité Nissage Saget sont énormes.

Il y a de cela, deux mois, depuis que j’ai rendu visite à une amie que je n’ai pas vue, ça fait un bail.  Malgré la nébulosité du temps, annonçant une forte pluie, je suis décidé de ne pas faire marche arrière. Surtout que c’était la dernière occasion de revoir cette ancienne camarade de classe, avant qu’elle ne reparte pour Québec, où elle réside depuis quelques années. Elle séjourne à Pont Tambour, un quartier résidentiel situé à l’Est de la ville.

Chemise Lacoste noire, manches longues, mais retroussées, un jeans Diesel délavé bleu et une paire de Converse noire : je suis tiré à quatre épingles (rires).  Donc,  prêt  à  laisser Frécyneau, mon quartier,  pour cette galante aventure, qui s’est malheureusement terminée sur une note pas trop intéressante.

Arrivé, j’ai été fastueusement reçu comme un roi, ayant retrouvé son trône après une longue absence. Vous vous attendez sans doute à ce que je vous raconte le film de la rencontre pièce par pièce ? Désolé de ne pas pouvoir combler vos attentes sur ce point. Secret de Dieu ! Qui sait.

Il se faisait tard, puisqu’il il était déjà 10h PM, quand je m’apprêtais à laisser le domicile de l’amie, après que de fortes pluies viennent de s’abattre sur la ville. La barrière, une fois franchie, le calvaire a commencé.  Il faisait très noir, vu qu’il n’y avait pas d’électricité dans  la zone. Et, malheureusement, la luminosité de mon Alcatel A780 ne pouvait pas me venir au secours. A chaque pas, je me suis enfoncé dans une boue si profonde, que je pouvais à peine avancer. Pas de voiture, encore moins une motocyclette, sinon que mes deux pieds pour faire la route. Qui pis est, dans ces chiantes situations où la ville est sous les eaux, les taxi-motos ne fonctionnent presque pas.  Et, je dois rentrer chez moi.

Face à cette situation, en un rien de temps, j’ai dû enlever mes chaussures, retrousser mon jeans pour affronter la dure réalité de la route qui mène chez  moi. Un trajet qui me paraissait long. Interminable. On dirait un chemin de croix.

Je me garde de ne pas raconter les péripéties que j’ai endurées  jusqu’à ma demeure. Car je doute fort, qu’en lisant seulement le billet, vous puissiez comprendre ma calamiteuse mésaventure.

Osman Jérôme