Des offrandes qui enrichissent et qui appauvrissent

Des histoires, des expériences personnelles, qu’elles soient intéressantes ou cocasses, j’en ai déjà évoqué plusieurs sur ce blog. Et sans vouloir rien vous promettre, il y en aura d’autres encore. Allons-y. Après «Après la pluie c’est le mauvais temps ?», publié mardi dernier, je vous reviens aujourd’hui avec une scène, peut-être déjà vécue par beaucoup d’entre vous. Avant même d’entrer dans les détails, je veux bien demander à Dieu d’avoir pitié de ceux, qui se sentiront offensés par le titre de ce billet. Qu’il puisse cicatriser ceux qui seront blessés par le contenu de cette réflexion. Amen!
Nous sommes à Puerto Plata (République Dominicaine). Dimanche 2 décembre 2012. Sous l’invitation de mon ami Joseph Castel Junior, lui aussi blogueur à ses heures, j’ai été visiter une église haïtienne. Cette aventure n’a rien à voir avec des veillées de nuit pas trop spirituelles, mais plutôt des églises aux pasteurs voyous. Pour l’occasion, j’ai été accompagné de deux autres camarades.
A l’église
Pour faire honneur à notre mauvaise coutume haïtienne, nous sommes arrivés un peu en retard à l’église. «Ce n’est pas la fin du monde. L’essentiel, c’était d’être là», a justifié notre ami, qui nous a invités.
Quatre murs. Une toiture en tôles. Deux portes. Des chaises et des bancs. Je ne peux mieux décrire physiquement cet espace où est réunie cette assemblée d’une cinquantaine de membres. Le temple n’est pas trop bien aéré, mais à bien observer le spectacle, on dirait que les fidèles se sentent à l’aise à adorer Dieu dans cette chaleur ardente.
10h30. Arrive le moment où le pasteur de l’église s’adresse à ses brebis. «L’habit ne fait le moine, certes, mais cela permet souvent d’identifier le moine». Vous ne me croirez peut-être pas, mais la tenue ridicule dudit pasteur m’a fait subitement oublier où j’étais : j’avais vraiment du mal à en croire mes yeux. Il était tout bonnement mal fringué pour une telle occasion.
Une chemise à manches courtes, larguée sur son pantalon. Un regard à faire peur. Une mine trop dure. Dans une articulation à peine compréhensible, l’homme de Dieu a débuté son intervention par des traditionnels coups de « Bénit soit l’Eternel », « Gloire à Jésus », entre autres. Et toute l’assemblée, comme un seul homme, lui répond en chœur à chaque cri.
D’emblée, l’homme qui portait une chemise froissée, a commencé à parler de l’argent. De l’argent pour s’approprier d’un nouveau terrain en vue d’agrandir le temple. De l’argent pour doter l’église de nouveaux instruments musicaux. De l’argent pour qu’il puisse renouveler son visa en attendant d’être détenteur d’une résidence permanente. Ce petit billet n’aurait pas suffit à énumérer les demandes du berger.
Et, intelligemment, après chaque demande, le patron de ce temple réclame un amen astucieux, pour s’assurer que le message est passé. Et se fait du même coup une idée des résultats positifs de ses quêtes.
D’un ton ferme, l’homme de Dieu s’est montré très critique, voir nerveux même vis à vis de ses ouailles. Dans une réunion antérieure, il a ramassé une somme qui ne fait pas honneur à sa réputation de bon quémandeur, de dechepiyè. Il se sent vexé. D’ailleurs, tout est pour la gloire de Dieu, a-t-il tempêté.
Donc, les membres de cette église doivent prendre conscience d’eux-mêmes. Ils doivent activement participer à l’avancement de l’œuvre du Christ. Par conséquent, ils doivent tout apporter à la maison du Seigneur, a martelé vigoureusement notre cher pasteur.
«Je ne donnerai pas un peso (monnaie locale) cette fois-ci», a grondé un frère dans mon dos. Ce dernier, contrairement à beaucoup d’autres brebis, paraissait avoir un peu les yeux ouverts sur l’attitude gourmande de son dirigeant.
Dans une moquerie à peine cachée, le pasteur s’est vanté, maladroitement en tout cas, que grâce à Dieu, depuis huit ans déjà, il vivit dans sa propre maison. « Que dites-vous l’église ? », demanda-t-il. Et comme des jouets programmés, toute l’assemblée, dont la majorité des membres ne sait pas à quel Saint se vouer pour payer son loyer, répond « Amen Pasteur ».
Et d’ailleurs, point n’est besoin d’être cultivé, pour se faire une idée du discours imprécis de notre cher pasteur. La nébulosité de son parler ne m’a inspiré aucunement confiance. Cependant, croyez-moi mes amis, les frères et sœurs vont se casser la tête pour ne pas décevoir leur honorable pasteur, alors qu’ils continuent à ne pas pouvoir envoyer leurs enfants à l’école, payer leur loyer. Dieu y pourvoira ! Amen.
Osman Jérôme
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