Haïti à l’heure des manifestations contre l’homosexualité
Port-au-Prince, 19 juillet 2013. Comme prévu, aux environs de 9h30 AM, plusieurs centaines de citoyens gagnent des rues de la capitale. Ils répondent à l’appel de plusieurs secteurs des églises protestantes pour une marche contre les pratiques homosexuelles en Haïti.
Car, selon des rumeurs circulant depuis quelques jours dans la capitale haïtienne, il y aurait un projet de loi déposé au parlement, visant à légaliser le mariage de deux personnes de même sexe en Haïti.
Au cœur de la manifestation
Pacifiquement, la manif débute. Tant que les minutes s’égrainent, la foule devient plus grande. Aba masisi (gay), aba madivine (lesbienne), un homme et une femme, pouvait-on lire dans divers pancartes portées par les manifestants.
Bibles, livres de chants en main, versets au bout des lèvres, propos homophobes à l’ endroit des homos, les protestataires parcourent diverses rues de la capitale avant de s’arrêter au Bicentenaire.
Là, devant le parlement, les organisateurs livrent un message aux parlementaires. Ils lancent une mise en garde aux membres du grand corps quant à une éventuelle proposition de loi, visant à officialiser les activités des homosexuels sur le territoire.
Pour l’ancien commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Maître Jean Renel Cénatus qui prend part à cette manif, la République ne doit pas suivre l’exemple de certaines grandes puissances mondiales, ayant déjà officialisé le mariage pour tous.
L’homme de loi qui s’était fait populaire dans sa lutte contre la dépravation juvénile à Port-au-Prince est clair : « Le mariage homosexuel est une forme de délinquance qui affectera la relève sociale du pays. Donc, pas de question que le pays entre dans ce dynamisme social », prévient-il.
Y a-t-il vraiment un projet de loi à ce sujet ?
Jean Tolbert Alexi, président de la chambre basse a coupé court à toutes rumeurs sur un quelconque projet de loi déposé au parlement au profit des homosexuels.
Pour le parlementaire qui se vante de sa foi chrétienne, au tant qu’il sera membre de l’assemblée nationale, pas de question de voter une telle loi. D’ailleurs, l’homosexualité est une abomination, a-t-il vociféré.
Le député Jean René Lochard abonde dans le même sens. L’élu de la deuxième circonscription de Port-au-Prince dit appuyer à 100% tous les mouvements contre la prostitution et l’homosexualité dans le pays.
Le parlementaire en a profité pour appeler toutes les forces vives de la nation à se joindre aux leaders religieux dans la lutte contre l’homosexualité dans le pays.
Violences physiques, agressions verbales
La manif de ce vendredi qui, apparemment a donné l’air d’être passive au départ, a donc pourtant laissé quelques incidents regrettables. Deux individus soupçonnés d’être homos auraient été battus jusqu’à la mort au terme de la marche.
D’autre part, selon ce qu’a rapporté l’agence de presse en ligne Alterpresse, Amélie Baron, la correspondante permanente de RFI à Port-au-Prince a été le cible de plusieurs manifestants qui lui ont lancé des sales propos « Tu es malsaine, une abomination, le diable venu corrompre Haïti … », ont-ils pesté à l’endroit de la journaliste , dont le pays, la France, a légitimé le mariage homosexuel.
A l’autre bout de la frontière
Entre-temps, à l’autre bout de la frontière se tiennent debout les partisans des pratiques homosexuelles. Ces organismes qui plaident en faveur de la liberté individuelle, se disent très préoccuper par ces mouvements anti-gay qui se développent sournoisement en Haïti.
Les responsables craignent que cela ne se débouche pas sur des persécutions contre les gays et les lesbiennes dans le pays.
Pour Charlot Jeudy, président de KOURAJ, une organisation homosexuelle, l’Etat et la communauté internationale doivent prendre leurs responsabilités dans cette affaire, surtout garantir les droits des homos. Car comme tout le monde, ils doivent jouir de leurs droits et de leur liberté, dit-il.
Par ailleurs, monsieur Jeudy appelle la population à faire preuve de tolérance, l’invitant ainsi à respecter l’orientation sexuelle des individus.
Entre pour ou contre, la population haïtienne est divisée quand à l’officialisation de l’homosexualité dans le pays. Certains parlent du respect de la liberté individuelle, d’autres plaident en faveur du respect de la moralité.
La balle est bien lancée.
Osman Jérôme
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