Lettre à une Haïtienne qui veut étudier en République Dominicaine
Chère Pauline,
Je sais que la température de ta patience a grandement chuté. Cette lettre arrive avec un peu de retard. Ce n’était pas voulu en tout cas. Je me suis donné plutôt de la peine de trouver toutes les informations nécessaires relatives à tes démarches.
En effet, lors de mon récent séjour en Haïti, comme beaucoup d’autres amis, tu m’as parlé de ton ambition d’abandonner le pays pour aller étudier quelque part. Après l’échec de ton projet pour le Brésil, tu tournes vers la République dominicaine. Bon, vu que tu as déjà échoué à deux reprises aux concours de la Faculté de Médecine de l’Université d’État d’Haïti (UEH), dont la capacité d’accueil est loin, très loin de répondre à la demande, je pense que ce n’est pas du tout mal comme perspective. Voir que certains racontars feraient croire que, les universités privées dominicaines payent moins chères que celles d’Haïti.
En fait, comme promis, malgré cette petite lenteur, je m’empresse de te faire parvenir cette missive, le temps de t’expliquer approximativement, ce qui t’attend ici en tant qu’étudiante étrangère. Encore plus une Haïtienne. Car, être étudiant haïtien en République dominicaine a un prix.
Bon, puisque tu connais déjà les démarches préliminaires (une première légalisation de tes documents en Haïti, le processus pour l’obtention du visa…), maintenant, essayons de voir en bref la réalité une fois sur le sol voisin.
Tout d’abord, le prix des appartements ou d’une chambre dans une « pension » varie en fonction de la ville et de la zone de la ville où tu souhaites résider. Tu as jeté ton dévolu sur Santiago. Un choix intelligent. Puisqu’ici, c’est le bastion des étudiants haïtiens en RD. À Santiago, je dois te le dire, trouver une chambre unique n’est pas trop facile. Le montant des appartements va de 6000 pesos à x. Et, en payant le premier mois, certains propriétaires te réclameront aussi de l’argent pour un ou deux mois d’avance. Ici, ça s’appelle « deposito ». Une forme de garantie en cas où à la longue tu serais en difficulté d’acquitter un paiement. Mais, ne t’en fais pas trop, on te remboursera cette somme quand tu décides de laisser la maison.
Comme tous ceux qui ont fait leurs études classiques en Haïti, tu as passé au moins sept ans à apprendre l’espagnol. À apprendre quelques notions des règles de l’espagnol pour être plus précis. Sans vouloir dire que ce fut un temps gaspillé, désolé, ça ne te sera pas suffi pour assister aux cours. Tu vas devoir donc te faire inscrire à un cours d’espagnol, où on va t’inculquer certaines notions de base. Mais, je te préviens que, le mieux sera de pratiquer avec de nouveaux amis (haïtiens et/ou dominicains), que tu vas avoir sans doute. Je te connais de cette sympathie contagieuse.
Quand tu te sens plus ou moins apte avec la langue, la prochaine étape sera de te faire inscrire au centre universitaire de ton choix. Mais avant d’y arriver, tu dois légaliser à nouveau tes documents (diplômes et relevés de notes des BAC I et II et acte de naissance). Moi, je me rappelle avoir payé US $ 250 pour ce processus. Mais maintenant, le prix est élevé. Et selon les dernières infos dont je dispose, cela coûte environ US $ 350. Je te promets de te référer à une bonne agence, car les « racketeurs » sont dans la ville. Une femme avertie, en vaut deux 🙂
À UTESA (Université Technologique de Santiago) que tu as convoitée pour tes études, le Dominicain paie environ 2000/2500 pesos pour sa première inscription, suivant la carrière. Toi, tu débourseras US $ 200. Et à chaque nouveau cycle, tu dois payer une nouvelle inscription. Cette fois-ci, c’est le même montant que tout le monde.
Comme je te l’ai déjà raconté, je ne peux pas trop te dire pour ce qui est du montant à verser par mois. Car c’est un système de crédit. Cela va dépendre donc de la quantité de cours que tu vas sélectionner par période.
À l’université : ta grande première remarque sera sans doute aux bâtiments où sont logées les salles de classe. C’est contrairement de chez nous où n’importe chambre mal aérée sert d’école. Ici, y a au moins des structures qui sont mises en place. Ces genres de construction répondent à des normes. La capacité d’accueil de chaque salle est contrôlée. Certaines sont physiquement équipées pour des expositions, conférences entre autres.
Et sur le plan administratif, tout est informatisé. Pour le choix de tes cours, tu n’auras pas besoin de venir à l’école faire une longue file. Où que tu sois, désormais, tu seras capable à tous moments de vérifier tes notes, modifier la présélection de tes cours, entre autres.
D’un autre côté, des labos de chimie, de bio, tu en auras dès tes premières sessions à la Faculté de Médecine de UTESA.
Ce sont en effet un minimum pour toutes les universités qui se respectent. Mais cela reste encore un déficit de développement, pour le système éducatif haïtien qui semble jurer sa fidélité à l’archaïsme. Quel dommage !
La note moyenne requise dans la majorité des universités est 70/100. Connaissant tes capacités, je ne m’inquiète pas quant à tes résultats académiques. D’ailleurs le niveau n’est pas si élevé que ça ici. Pour nous qui sommes habitués au dur système éducatif haïtien (bourrage de crâne), tu verras aux débuts que c’est du jeu. Par contre, prépare-toi à faire face à certains professeurs qui, pour masquer leurs défiances pédagogiques, se montreront exigeants. Quant au challenge avec les autres étudiants, tu t’en sortiras bien. J’en suis sûr hein.
Tu dois attendre à être la cible des comportements racistes de certains professeurs dominicains « anti-haïtiens ». Être ridiculisée même par tes collègues étudiants quand tu ne prononces pas bien certaines expressions espagnoles. Cependant, au milieu de tout ça, tes potentialités seront des atouts pour attirer la compagnie de quelques étudiants et profs.
Une session de classe dure au moins 4 mois ici. Mais l’immigration dominicaine semble n’en tenir pas compte. Car, depuis quelques temps, tout étranger, non pardon ; tout Haïtien, passant plus d’un mois en République dominicaine est contraint de payer une somme au service de l’immigration dominicaine quand il rentre dans son pays. Plus d’un mois, 800 pesos, plus de 3 mois, 1000 pesos…Tant que le séjour est plus long, tant que le montant est élevé. Scandale ? Mesure discriminatoire ? À toi donc de savoir si tu vas rentrer chaque mois en Haïti ou payer les frais réclamés suivant la durée de ton séjour. « Dura lex, sed lex », diraient les hommes de lois.
Je ne veux pas terminer ce billet, sans te prévenir que, la République dominicaine est un beau pays « Open à la débauche ». La « cerveza » et la « Bachata » sont tout ce qui compte pour certaines personnes ici. D’ailleurs, le peuple même, est un fidèle abonné au plaisir mondain. Prends garde à toi de ne pas tomber dans ce piège. Car, je connais plusieurs compatriotes qui ont déjà troqué leurs livres au profit d’une maîtrise dans les boites de nuit ou dans les « cabañas ».
Comme tu es coquette, ta beauté va sans doute faire saliver beaucoup de Dominicains. Ces derniers qui adorent coucher avec les Haïtiennes, dit-on. Mais sois prudente, car ta beauté ne sera pas une interdiction pour que tu ne sois pas traitée de « Maldita Haitiana ». Et ce, même par celui avec qui tu es en relation amoureuse.
Tu es tatillonne. Je le sais. Je n’ai pas tout dit. Mais, j’espère t’avoir fourni les détails nécessaires. Que cette lettre puisse t’aider dans tes démarches. Qu’elle te soit aussi une psychoprophylaxie pour ton éventuelle adaptation en République dominicaine. Si tu as encore d’autres soucis, n’hésite surtout pas à me contacter.
À l’espoir de te voir ici sous peu, déjà je te dis : « Bienvenidos y hasta pronto» !
Osman Jérôme
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