Haïti : des artistes au chevet de la politique
Alors que les incertitudes planent encore sur la réalisation des élections du 26 octobre prochain, le profil de certains partis politiques et potentiels candidats fait déjà débat. Le pessimisme s’installe. Personne n’est digne de confiance.
Au cours de ces dernières années, on assiste impuissamment à une dévalorisation du pouvoir public en Haïti. Entre celui qui peut et celui qui veut, la politique du pays traine sur les trottoirs. Ainsi, les sièges du Parlement ne sont plus honorables. Ils sont à la portée de n’importe qui.
Par ailleurs, certains citoyens se servent uniquement des périodes électorales pour devenir « politicien ». « Politicien » s’ils le seront un jour. Cependant, malgré leur ignorance de la chose, nombreux de ces mercenaires arrivent même à occuper de hautes fonctions de l’État. Les politiciens traditionnels oublient leur métier. Comprenez bien que « La nature a horreur du vide ».
Depuis les événements de 1986, le pays patauge dans une transition démocratique jamais effective. Après la chute dictatoriale, on pensait entrer dans une période porteuse d’espoir et de changement. Mais, presque 30 ans après, on cherche encore le Messie qui doit montrer la voie. L’attente paraît très longue. Elle commence par devenir illusoire et utopique.
Les anciens systèmes ont provoqué craintes et doutes. Aussi bien naïf qu’impatient. À force d’être bafoué par les politiciens de métier, le peuple ne sait plus à qui faire confiance. Qui choisir comme dirigeants ? Alors, c’est dans cette alternative imprécise, que le bulletin de vote devient une arme fatale.
L’expérience de Michel Martelly
Artiste controversé, devenu président du pays, l’ancien homme fort du Champ-de-Mars symbolise ce que certains qualifieraient de l’échec même de la classe politique traditionnelle haïtienne. Trop moribonde. Car dans son abattement social, le peuple voulait essayer quelque chose d’autre. Une nouvelle politique. Une nouvelle forme de gouvernance. Car « Qui ne risque rien n’a rien ».
Au départ, l’actuel chef de l’État s’est présenté comme l’homme de la rupture avec les traditions du passé. Discours, démarches, promesses, les plus naïfs ont espéré que le changement allait se faire. Sauf que, trois ans après, le vent de changement promis par l’ancien chanteur, peine encore à souffler. Au contraire, c’est la continuité des anciens modèles. Et même pire encore, aux yeux de certains observateurs.
Mais, selon d’autres critiques, les Haïtiens doivent cesser de chercher midi à quatorze heures. Surtout en politique. Pourquoi Michel Martelly, le simple chanteur doit réussir là où les politiciens ont échoué avant lui ?
Sur les traces de Michel Martelly
Chanteur au palais national. Député-superstar au Parlement, l’organe politique connaît une mutation sans précédent. Avec ce fameux mandat de Martelly, il émerge désormais une nouvelle tendance en Haïti; l’enthousiasme des artistes pour la scène politique.
En effet, à l’approche des prochains scrutins (s’il en aura bien entendu cette année), diverses figures du show-biz local manifestent leurs envies de se présenter candidats à différents niveaux. Si certaines candidatures restent encore officieuses, d’autres par contre sont déjà officielles.
Disc Jockey (DJ), musiciens, rappeurs, animateurs de radio, managers de groupes… Dans les coulisses on évoque une vingtaine de personnes désireuses d’intégrer la sphère politique.
S’inspirant ainsi de la fougue de l’ancien président du Compas Direct ou de la ténacité de Gracia Delva, les uns et les autres pensent pouvoir être maire, député, sénateur, etc.autres.
Cette tendance prend un élan de plus en plus remarquable. Après les confirmations officielles de Pouchon Duverger, de Jacques Sauveur, récemment ce fut au tour du talentueux guitariste Ralph Ménélas d’avouer ses ambitions politiques. Il a tourné le dos à Le kompa pour se consacrer aux choses d’État, dit-il.
À quoi doit-on espérer ?
S’interrogeant sur la volonté réelle de ces vedettes à s’intégrer politiquement dans les affaires du pays, plusieurs observateurs se montrent plutôt sceptiques. Ils craignent une possible banalisation complète de la politique dans le pays. Car pour faire la politique, disent-ils, il ne suffit pas seulement d’en avoir l’idée, mais cela demande aussi un minimum de préparation.
En effet, à l’instar des matchs de football, la politique nous réserve bien des surprises en Haïti. Les têtes qu’il faut ne sont pas toujours à la place qu’il faut. Entre politiciens traditionnels et opportunistes mercenaires, lors des prochaines compétitions électorales, le peuple sera encore face à un nouveau dilemme ; pour qui voter ? Qui apportera le changement ?
Enfin, répétons-le sans cesse ; la politique haïtienne a besoin d’une réforme de fond. Les musiciens seront-ils à la hauteur de ce challenge ?
Osman Jérôme
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