Haïti, l’échantillon d’une transition démocratique en perdition
Les sociétés démocratiques ne sont pas tombées du ciel. Elles y parviennent au prix de longues luttes. L’apprentissage démocratique est un processus complexe et fragile. Il exige des sacrifices énormes.
Le début des années 80 marque un tournant historique dans la vie politique en Haïti. Après 27 ans d’une dictature impitoyable, sanglante…, des mobilisations musclées ont fini par mettre fin au long pouvoir corrosif des Duvalier (père et fils).
Dans cette euphorie populaire qui accapara le pays, ce fut la rentrée triomphale d’Haïti dans une transition, dite DÉMOCRATIQUE, disait-on. Mais, le pays, a-t-il profité de ce revirement politique ?
Des débuts difficiles…
En effet, devant les membres de la communauté internationale, témoins et superviseurs, le pays est divorcé d’un système arbitraire pour se fiancer cette fois-ci avec une nouvelle pratique politique, dont tout le monde serait bénéficiaire.
Néanmoins, ce changement qu’on a voulu être pacifique, va rencontrer des grandes difficultés, notamment avec des persécutions acharnées contre les proches du régime déchu. Des véritables « dechoukay » (chasse à l’homme) ont gagné les principales villes du pays.
D’un autre côté, il fallut redéfinir le concept de l’État qui, durant le règne duvaliériste, était plutôt un culte à la personnalité du Président. Quelles sont les nouvelles directives à prendre pour orienter une République fraichement sortie d’un régime totalitarisme criant ? Comment cicatriser les plaies d’une société qui porte encore les marques des « koko makak » (coups de bâton) des « tontons macoutes »? Comment poser les premières bases d’un nouveau système politique d’une nation déchiquetée, torturée, traumatisée par un long régime tyrannique ayant implanté une psychose de peur dans la pensée de tous les Haïtiens d’Haïti et d’ailleurs ?
En effet madame, monsieur, sur le plan général, l’immédiat de l’après Baby Doc n’était pas facile.
En 1990, le pays a fait expérience de ses premières élections démocratiques. De cette grande première, Jean-Bertrand Aristide est arrivé à la tête du pouvoir.
Après seulement 7 mois de gouvernance, l’ancien prêtre de Saint-Jean Bosco est renversé par un coup d’État militaire le 30 septembre 1991. Et depuis, c’est une crise politique à ne jamais finir. Le pays patauge dans une transition démocratique jamais effective.
Processus démocratique, où en est Haïti ?
À bientôt 30 ans de la chute dictatoriale, seul René Garcia Préval a eu le mérite de boucler ses deux mandats sans un quelconque renversement. Il est digne d’un fauteuil en or celui-là.
Aujourd’hui, Michel Martelly qui, lors de sa campagne électorale a promis de rompre avec les mauvaises pratiques léguées par ses prédécesseurs, ne peut pas s’empêcher de commettre les mêmes bavures. Voire même aller trop loin dans ses frasques. À tel point que son départ est réclamé. L’État de droit qu’il a prôné avant son arrivée au pouvoir reste encore à l’oral.
Par conséquent, malgré le poids des ans, les cicatrices des crises, le prix de l’indépendance, le pays semble encore être très loin à atteindre la maturité démocratique. Il y a toujours une paralysie quelque part. Les mêmes démons causent toujours les mêmes blocages.
Et alors…
Le concept de la démocratie, pris dans le sens large du terme, n’est pas seulement l’absence de la dictature, ou le fait de pouvoir aller aux urnes, jeter un bulletin. C’est beaucoup plus profond.
La démocratie demande entre autres ; une maturité politique, une dépendance économique, un équilibre social pour le bien-être de tous. Donc, le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple.
En effet, la démocratie qui se veut être sans farce, a pour finalité ; procurer la satisfaction de tous ; avec justice, droit et liberté. Et ce, dans tous les aspects de la vie nationale. D’ailleurs, c’est la façon équitable d’organiser le pouvoir dans une société.
Maintenant, en vertu de cette complexité qui entoure l’établissement de la démocratie. Et, parallèlement à ce qui fait actuellement en Haïti, sans vouloir voir le verre à moitié vide, la première République noire indépendante du monde a encore du chemin à parcourir pour atteindre cette équité sociale. Surtout en ce qui concerne les services publics. Car, aucun pays ne peut pas se vanter d’être démocratique sans le droit à la santé, à la justice et à l’éducation.
En fait, pour parvenir à ce but [rentrer dans la démocratie], tout d’abord, la conscience collective du peuple doit être réactivée. Que les forces vives de la nation reconnaissent cette nécessité de changement du pouvoir public. Le pays a déjà trop enduré, trop perdu de cette ingérence politique qui parait de jour en jour sans issue.
Ensuite, il faut une vraie solidarité nationale et internationale sans les duperies et les rhétoriques auxquelles nous sommes trop fatigués. En lieu et place de ces « millions démagogiques », le pays a plutôt besoin d’une série de plan viable, qui se tourne autour des programmes de développement.
À bien regarder depuis quelque temps, les appuis financiers de la communauté internationale sont loin de favoriser un vrai processus démocratique en Haïti. Les aides servent rarement aux causes qu’elles ont été destinées. Donc, « Des aides qui n’aident pas ». Une véritable « Assistance mortelle », pour reprendre Raoul Peck.
Il est évident, à court ou à long terme, le pays aura toujours besoin du soutien de la communauté internationale pour son émancipation, notamment sur le plan démocratique.
Cependant, il revient à l’Haïtien de faire le premier pas. De se réveiller de cette léthargie inquiétante. Bâtir son propre destin en tant que peuple. Sinon, cet état de droit, cette transition démocratique ne sera que de l’utopie.
Osman Jérôme
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