Haïti : ce que l’on retiendra du Carnaval des fleurs ?

3 août 2014

Haïti : ce que l’on retiendra du Carnaval des fleurs ?

 Carnaval des Fleurs à Port-au-Prince/Crédit photo : Tilou Jean Paul
Carnaval des fleurs à Port-au-Prince/Crédit photo : Tilou Jean Paul

Petit pays, grandes festivités. Du 27 au 29 juillet 2014, les friands des grandes foules ont été une fois encore servis. Des chars allégoriques. Des décibels à hauts débits. Des corps en sueur. Des hanches en mouvement. Des bousculades musclées. Port-au-Prince a piaffé pour oublier ses déboires.

Sous la couverture du Carnaval des fleurs, Champ-de-Mars a été témoin de nouvelles festivités populaires.  Pendant trois jours, la population a été invitée à faire preuve de bambocheurs, de jouisseurs. Mission tout de même accomplie pour les organisateurs.

Cependant, n’en déplaise aux mordus du plaisir, je rejoins ma voix à ceux qui pensent que la réalisation de ces dernières bamboches populaires est une forme d’ingérence d’État.  Une nouvelle preuve du manque d’intelligence et de jugement des autorités haïtiennes. Car ces millions dépensés pour ce deuxième carnaval de l’année auraient pu être investis dans d’autres secteurs, notamment la santé. Surtout avec ces virus mortels qui risquent de frapper le pays. Bref, passons.

Satisfaction. Frustration. C’est le moment des bilans. Comité organisateur, participants, groupes en polémique, spectateurs, chacun y va de son commentaire.

En fait, sans aucune plaisanterie, que peut-on retenir de ces dernières manifestations carnavalesques à Port-au-Prince ? Personnellement, j’en retiens quatre choses :

1-   Haïti est encore loin d’être une priorité pour les autorités haïtiennes. C’est un pays où l’assouvissement de la mégalomanie des dirigeants passe en premier au détriment des besoins du peuple. Six festivités carnavalesques en trois ans. Pendant que les vraies urgences sont négligées.

2-   Pendant que les fêtards jubilaient au Champ-de-Mars, Arnel Bélizaire continue sa grève de faim au Parlement. La libération des prisonniers politiques, le respect de la loi sont parmi les revendications du très populaire député de Tabarre.

3-   Un autre carnaval à Port-au-Prince un 28 juillet. Date marquant le début de l’Occupation américaine en Haïti. L’année dernière, la classe intellectuelle est sortie de son silence disant non à cette insulte historique. N’empêche que cette année, le 28 juillet a été encore retenu dans le calendrier du carnaval des Fleurs. Mépris, ignorance ou simple coïncidence ?  « Un carnaval en Haïti le 28 juillet, personne ne l’aurait cru depuis la douloureuse période 1915-1934. Toutefois, depuis deux années, l’on assiste de manière impuissante et passive à des défilés de chars dans la capitale le 28 juillet. Sont-ils vraiment des Haïtiens, ceux et celles qui nous dirigent ? Est-ce un problème de culture historique, ils ne savent rien de cette date? Ou est-ce une tentative consciente, voulue ou même préparée pour tuer le passé? », s’est indigné un jeune sociologue.

4-   Et enfin, cerise sur le gâteau. Sans doute l’un des temps forts du défilé : on retiendra que Michel Martelly, le président de la République est monté sur le char de T-Micky (le groupe de ses fils) pour animer le béton pendant le troisième jour. Comme il en avait l’habitude dans le passé, ce fut une prestation digne de ses bons vieux temps de Sweet Micky. En effet, si certains qualifient ce geste d’indigne de la prestigieuse fonction du président, d’autres y voient plutôt le vrai visage de Michel Martelly, le chanteur, l’artiste.

En fait, avec toutes ces années de retard en termes de développement, peut-on se permettre de construire une société haïtienne autour d’une politique du divertissement. Et quel divertissement alors ? Autant dire, comment ne pas s’inquiéter du demain, quand les dirigeants sont guidés par leurs pulsions irrationnelles ?

Entre-temps, vive Haïti, vive le carnaval !

Osman Jérôme

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Commentaires

Serge
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Les peuples ne pensent jamais qu'à s'amuser... la politique, c'est pour une minorité, c'est aussi cela la démocratie:
1. qu'une minorité s'occuppe seule de la politique produit l'élitisme dans la société.
2. La démocratie exige que chacun agisse selon sa volonté, y compris, ignorer la politique...
paradoxe démocratique !

Osman Jérôme
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Et dans certains cas, les politiciens intelligents se misent sur la naïveté de ces peuples pour bâtir leurs politiques.