Indécence électorale
L’année 2015 est une année électorale en Haïti. Des élections forcées, il faut le dire. Après le fiasco du 9 août dernier, tous les yeux sont désormais rivés sur 25 octobre, date retenue pour la tenue du premier tour des élections présidentielle et municipales.
Voilà à quelques heures de la fermeture des campagnes, nous assistons à un spectacle plutôt désolant. Une machine électorale toujours en panne de confiance, des conseillers électoraux discrédités, le niveau minable des débats présidentiels, la médiocrité des campagnes, en fait, nous sommes en plein cœur d’un processus électoral aussi pitoyable que répugnant.
Pour certains accros à l’humour, cette période électorale en Haïti, est une bonne dose thérapeutique. Car entre le délire des uns et la fougue des autres sur le dos de la République, à défaut d’en pleurer, on préfère en rire. Ce qui est loin d’être mauvais, surtout dans un pays où l’anxiété et la frustration font partie du quotidien de la population.
Dorénavant, les activités électorales en Haïti s’apparentent bizarrement aux festivités carnavalesques. Au niveau communication, presque aucune censure langagière. On fait usage de la grivoiserie au gré de l’humeur. Ainsi, des expressions qui devraient être bannies en temps normal sont passées à l’état de slogan. Vive la liberté d’expression. Bref.
Au nom de la très chère démocratie dont jouit la République, cinquante-quatre têtes se présentent à la course au palais national. Comme la fin du monde est proche, aucun politicien haïtien ne veut manquer l’honneur de s’asseoir sur le fauteuil présidentiel. Ça assure une bonne place au paradis.
Dans un pays où la santé politique est de plus en plus fragile, certains parlent de scandale tout simplement. Ben moi, ce qui m’inquiète, c’est l’opiniâtreté avec laquelle, ces candidats se donnent tous déjà vainqueurs même avant la tenue du scrutin. Ce qui suppose une certaine crise postélectorale, grossièrement annoncée par les acteurs eux-mêmes. Comble de la bêtise.
Dans des discours aussi creux que des troncs d’arbres évidés, des « con-didats », avides des bienfaits du pouvoir public, appellent la population à voter pour leur programme, leurs projets dépourvus de cohérence et d’intérêt national. Ainsi, portés sur les ailes faciles des divagations « politiciennes », certains prétendants à la succession de Michel Martelly oublient carrément que la présidence haïtienne est seulement pour cinq ans. Sinon, au simple regard de la logique humaine, ils auraient pu nous épargner tous ces projets et promesses sans queue ni tête.
Par ailleurs, l’animal politique haïtien a la faculté de surprendre, l’expertise d’être ridicule. Ce n’est qu’à quelques heures de la tenue des élections, que des candidats croient nécessaire d’abandonner la course présidentielle en appuyant d’autres concurrents, jugés mieux placés pour arriver à la magistrature suprême. Ces alliances me paraissent plus dangereuses que sincères.
Enfin, en dépit de ce tableau pour le moins sceptique du processus électoral, le scrutin du dimanche prochain représente des enjeux majeurs pour l’avenir politique d’Haïti. En conséquence, par sa conscience citoyenne ou pour ses » 1000 gourdes « , l’électeur haïtien est appelé à élire des hommes et des femmes, capables de prendre en main le destin de cette nation, déjà trop victime de l’insouciance des régimes antérieurs.
Osman Jérôme
Commentaires