Aux autorités haïtiennes et dominicaines
Médusé par ce qui se passe actuellement entre Haïti et République dominicaine, psychologiquement, je suis plutôt désamorcé dans mes pensées. Tout s’enlise dans mon esprit.
Pendant quatre ans de résidence ici en République dominicaine, malgré des petites scènes de raciste dont j’ai été déjà victime, je n’ai jamais été aussi alarmé quant aux rapports entre les deux nations
Les derniers incidents diplomatiques, semblent avoir gain de cause de mon optimisme, au point même d’écrire ce papier, qui se veut un appel à un franc dialogue entre les dirigeants des deux États.
Géographiquement, Haïti et République dominicaine partagent la même île. Séparés par des frontières, pourtant, les relations politico-diplomatiques ne sont pas toujours très bonnes entre Port-au-Prince et Saint Domingue. Il y a toujours des contentieux qui créent des troubles entre les deux peuples.
La récente décision de la Cour constitutionnelle dominicaine de déchoir la nationalité dominicaine à des milliers immigrants pour la plupart d’origine haïtienne, les récentes brimades suivies de déportations massives des Haïtiens à Neyba, viennent fragiliser des rapports déjà souffreteux entre les deux républiques voisines.
En fait, il faut tout de même reconnaître que, au point de vue historique, les relations entre Haïti et République dominicaine sont marquées par des conflits politiques et diplomatiques. Tantôt commercial ou migratoire, y a toujours des faits pour légitimer les tensions récurrentes entre les deux pays.
Et voilà depuis déjà quelques semaines, Haïti et République dominicaine retiennent les attentions au niveau de la région. Et pour une autre fois, ce n’est ni pour un équilibre commercial entre les deux pays, encore moins une harmonisation dans les relations diplomatiques des deux Etats qui sont appelés à vivre ensemble. Au contraire.
Au milieu de ces scandales, qualifiés d’anomalie diplomatique par certains observateurs, les émotions atteignent leur point d’ébullition des deux côtés de la frontière. Les populations se laissent transcender par leurs sentiments nationalistes. Des Dominicains demandent l’expulsion des Haïtiens de leur territoire. Des intellectuels haïtiens signent une pétition pour demander à la population de boycotter les produits dominicains. Tout est dit dans la plus nudité des choses.
Étudiants, professionnels, travailleurs, peu importe son statut migratoire, aujourd’hui, aucun, aucun haïtien a la vie tranquille en République dominicaine. Voire que les rumeurs sont porteuses de toutes les infos accablantes.
Les violons ne s’accordent plus entre Haïti et République dominicaine. Depuis quelques jours, l’orchestration diplomatique est cacophonique. Personne ne peut l’ignorer. Une situation qui ne peut pas être motif de joie pour aucun des deux pays condamnés à vivre comme amis.
Appel
Aux dirigeants dominicains et haïtiens, il est temps de jeter les vieux contentieux historiques. L’heure doit être plutôt aux francs dialogues. Développer des projets bilatéraux qui seront profitables à tous.
Le monde change, les sociétés évoluent messieurs. Les attitudes revanchardes ne vous conduiront nulle part, sinon aux conséquences économiques désastreuses pour les deux peuples. Pensez plutôt maintenant à l’harmonisation des deux républiques qui forment une seule terre.
Aujourd’hui, plus que jamais, il est temps de créer un climat de confiance pour une bonne harmonisation diplomatique, commerciale entre les deux nations. Donc, que personne ne se sente pas lésée.
À vous, chères autorités haïtiennes ; je suis conscient que la tâche est difficile. Il s’agit d’un projet à long terme; commencez par créer des conditions de travail en Haïti. Je vous assure que ça va réduire le flux migratoire des Haïtiens qui ruent quotidiennement vers la république voisine, même au péril de leur vie. C’est vrai que la muraille de Jéricho n’a pas tombé dans un jour, mais la volonté y était pour faire les sept tours.
À vous, honorables dirigeants dominicaines ; je ne viens pas vous faire la loi. D’ailleurs, je n’ai pas ce droit. Nous sommes en 2013; comment est-il possible que vous continuez à nourrir cette vieille et stupide campagne anti-haïtienne ? Si le tyran Rafael Trujillo a construit cette idéologie raciste dans la mentalité dominicaine, aujourd’hui, vous, les intellectuels dominicains, vous n’êtes pas à appeler à cautionner cette bêtise humaine, ayant conduit au triste massacre de plusieurs milliers citoyens d’Haïtienne. Car, Pour une raison ou une autre, République Dominicaine a besoin d’Haïti, comme Haïti a besoin d’elle aussi.
Et c’est au prix de ce respect mutuel, cette franche harmonisation diplomatique, cet équilibre commercial, que les deux États finiront par s’entendre pour le développement de l’île d’Haïti, dont les deux pays partagent les frontières.
Osman Jérôme
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