A quoi sert la virginité d’une fille en Haïti ?
La société haïtienne serait, en bonne partie, très conservatrice à certaines normes traditionnelles. Hier, la virginité d’une jeune demoiselle était classée dans la catégorie des choses sacrées. Le culte de la virginité a été très rependu sur le pays, notamment dans les milieux ruraux. A l’époque de mon père, qui est la de la génération 60-70, le mec qui se respecte, cherche souvent à se donner en mariage avec une demoiselle, dont la pelouse n’est pas encore foulée par aucun autre joueur. Cela incarna tellement une fierté, un honneur, un respect. Non seulement pour le jeune homme, mais aussi pour la fille et sa famille.
Si pour certains mecs de ma génération, enlever la virginité d’une fille, est une rare occasion dont il ne faut jamais se manquer. Surtout que certaines croyances (haïtiennes) porteraient à croire que la fille reste toujours amoureuse de celui qui l’a dépucelée. Stéréotype ? Continuons notre sujet. Pour d’autres, c’est une lourde responsabilité. Donc, très souvent, ils préfèrent abandonner une relation après avoir appris que la conjointe est encore vierge.
L’affaire Daphné
Daphné a 22 ans. Au-dessus de son âge, elle parait une jeune dame, fraichement mariée. Elle est d’une gentillesse et d’une élégance très rares. Elle est d’une famille plus ou moins aisée. C’est une fille à parents, ayant grandi sous les yeux vigilants de papa et maman dans lakou bare.
En fait, Daphné, c’est le prénom prêté à cette belle camarade de classe, qui ne s’appelle pas vraiment ainsi. Cette politique, est d’éviter qu’elle soit vitement reconnue par son vrai nom.
En effet, récemment, j’ai eu une longue et frissonnante conversation avec cette collègue étudiante. Elle peinait beaucoup à retenir ses grosses larmes, en me comptant une histoire qui, pour une raison ou une autre a fait monter le taux de mon adrénaline.
Elle est sur le point de rompre avec son amant, après que ce dernier vient de confirmer qu’elle est encore vierge. Et, c’est le deuxième épisode similaire de sa vie de femme en moins de quatre ans. Personnellement ce n’est pas la perte qui m’intrigue dans tout ça, mais c’est plutôt la cause.
Pantelante, au point même d’être déconnectée de son monde, elle m’a avoué que sa virginité était à l’origine de la rupture douloureuse de sa première aventure avec un mec, dont ses parents, trop exigeants ne tolérèrent pas. A cette époque, la demoiselle avait 18 ans, et était sur le point de boucler ses études classiques. Malgré les interdictions formelles de ses protecteurs, elle a courageusement bravé tous les obstacles pour maintenir en vie cette relation, sa toute première. Ils étaient comme Roméo et Juliette, m’a-t-elle ajouté en substance. Mais malheureusement pour elle, ce lien sentimental allait se terminer en queue de poisson. La cause ? Sa virginité.
De cette scène choquante, la jolie gazelle a gardé d’horribles souvenirs. Elle était à quelques pas d’un choc traumatisant. Rien ne lui intéressait. Elle s’est replié dans la coquille de sa souffrance à peine vivable.
Traumatisée, elle a cru pouvoir mener sa petite vie, sans tomber amoureuse de quelqu’un d’autre. Mais qui a dit que : « Le cerveau des femmes est comme une bougie allumée au désert des vents ». En tout cas.
Notre amie a un mec qui lui faisait la cour depuis tantôt deux ans, m’a-t-elle craché avec sa gorge enrouée. Mais toujours choquée par la première scène, elle a dû résister à maintes reprises par peur de ne pas revivre le même cauchemar de John, son premier amour. Cependant, peu de temps après, elle allait finir par tomber sous le charme de Peter, à qui elle sortait depuis quelque temps.
Voulant éviter d’être victime comme dans le premier cas, mademoiselle a explicitement raconté à son chéri qu’elle gardait encore sa virginité de femme. Donc, son surnom est Viergina. Mais, ce dernier, par incrédulité, refusait tout bonnement de croire avant toutes preuves évidentes. Il est très philosophe, hein.
Ses yeux rougis comme le cramoisi, son front suant, son beau visage défiguré, son corps tremblant, sans trop vouloir rentrer dans les moindres faits de son premier rapport sexuel avec son copain, elle m’a dit tout bas qu’elle serait sur le point de perdre son deuxième Adam, toujours pour la même cause ; sa virginité qui, ne lui sert pas pourtant d’honneur, mais de malheur.
Enfin, analysant à la loupe le cas de Daphné, vous vous demandez peut-être, quel espoir pour les pucelles de ma génération ? Là, c’est le comble du paradoxe. Puisque, pendant que certains repoussent leur conjointe-vierge, d’autres les recherchent avec bougie à la main. Et ce pour fonder un foyer. Ô que j’aime tellement cet aspect de la vie !
Par ailleurs, ce qui est certain dans tout ça, c’est que le mythe de la virginité est censé tomber en Haïti. Donc, les choses anciennes sont passées et voici toutes choses sont devenues autrement.
Osman Jérôme
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