La Caraïbe, à la mode de Noël

20 décembre 2013

La Caraïbe, à la mode de Noël

La Caraïbe, à la mode de Noël (C) pixabay.com
La Caraïbe, à la mode de Noël (C) pixabay.com

Entre mythes et traditions. De la Guadeloupe à Haïti, passant par la Martinique, et voilà comment le Père Noël est reçu dans la Grande Caraïbe.

AxelleKaulanjan

Début décembre, à mon arrivée en Haïti avec Bébé, sur la route de Bourdon, vers Pétion-Ville, seul signe que Noël approche, ces petits arbres secs, dépourvus de feuilles, peints en blanc, les pieds coulés dans un petit pot de « Ti Malice »* rempli de béton. L’année dernière déjà, j’avais remarqué cet arbre de Noël, symbolique, à mon sens, de la résilience typiquement haïtienne. Cette année donc, pas de sapin, mais cet « arbre-de-Noël-choléra », comme l’a surnommé un des amis de Monsieur, en voyant la photo de notre arbre décoré. Avec ce côté frêle, presque chétif, mais en même temps si bien décoré et apprêté avec tous les atours habituels d’un sapin européen, cet arbre à lui seul symbolise, à mes yeux, cette situation de bigidi**, toujours entre deux des pays caribéens. Seuls changent les fards.—

*Ti Malice est une marque de beurre haïtien reconnaissable à ses gros pots jaunes.

** Le bigidi est un concept mis en valeur par la chorégraphe guadeloupéenne Léna Blou qui, ayant observé les positions récurrentes des danseurs de gwo-ka, a observé que « (…)c’est comme si le corps était vrillé, fixé sur son ancrage personnel, repère infaillible de son identité intrinsèque et que d’emblée avec une apparente facilité, il pouvait exceller dans l’art du déséquilibre, grâce à ce verrou de sécurité qui le maintenait debout même si il était disparate. » https://fr.lenablou.fr/fr/Lenablou/le-bigidi.html

Berliniquais

Décembre à Paris, c’est le moment où la Ville-Lumière mérite plus que jamais son resplendissant surnom. Les illuminations de Noël, ce n’est certes pas ça qui manque ici. Mais alors où est la musique ? Où sont les cantiques ? En Martinique, à peine les bougies de la Toussaint se sont-elles consumées dans les cimetières que toute l’île entonne des cantiques pratiquement sans interruption jusqu’à la veillée de Noël, huit semaines plus tard. Mais pas ici.

Perdu dans mes pensées, je monte dans une rame de métro bruyante et brinquebalante à la station Bonne Nouvelle. Bonne Nouvelle, dites-vous ? Tiens donc… Le vacarme des freins, des portes et des voyageurs surmenés s’évanouit. J’entends le cri-cri lointain des grillons. La température monte. Les néons blafards laissent la place à une belle nuit étoilée. Battement de tambours, de chachas et de ti-bwa. Une fervente cacophonie de voix avinées se fait entendre, dans un unisson approximatif :

«Oh ! la BONNE NOUVELLE (bis) /Qu’on vient nous annoncer ! /Une mère est vierge (bis) /Un sauveur nous est né.» Le 20 Minutesque j’avais en mains à l’instant se métamorphose sous mes yeux en recueil de cantiques, l’indispensable Annou chanté Noël, compilé par Loulou Boislaville et ses acolytes il y a un bon demi-siècle. Lignes 5 et 6. Des ritournelles plus ou moins paillardes, en créole, s’intercalent sournoisement entre les cantiques sacrés au français châtié des contemporains de Molière. Ligne 7.

Je descends à Pont-Marie, et la faille spatio-temporelle se referme avec les portes de la rame derrière moi. Quand on le souhaite vraiment, même le métro parisien peut chanter Noël à la manière des Martiniquais.

Billy

Quand la Noël arrive en Haïti, on le sent. Notamment à Port-au-Prince. Oui ! A cette époque, on entreprend toutes sortes de décorations partout dans les villes et même dans des zones rurales. On sent venir l’odeur festive de fin d’année. Les médias et autres associations organisent des concours pour récompenser de nouveaux talents. De la musique, bref il y a de la festivité dans l’air. Les 24 et 25 décembre tout le monde est à la rue pour fêter notamment les jeunes et les ados. On va à l’église en famille pour célébrer la messe de minuit et on mange ensemble. C’est l’occasion aussi d’offrir de petits cadeaux aux enfants. Parfois on s’endette pour bien fêter et après le poids des dettes affole. En dépit de tout c’est la fête de la joie, de l’amour, du partage, d’un peu de liberté pour les jeunes et les enfants. Cela reste la fête de toutes les catégories et chacun la célèbre selon ses moyens. Un chaleureux joyeux Noël à tous !

La NaveDeambula

J’avoue que le thème m’a au début un peu déconcerté pour le mot « Caraïbes ». Je vis à Bogotá et je ne connais pas la côte. La capitale Colombienne a un climat « froid », cela influence beaucoup la culture et on pourrait dire que cela engendre comme plusieurs Colombies aux ambiances totalement différentes et où les influences socioculturelles diffèrent aussi.

Je pensais à ça au moment où je suis sortie dans la rue, aujourd’hui (7 décembre) et où c’était le jour de las « velitas » (des bougies), les rues s’éclairent avec des bougies qui se fraient un chemin entre les passants, elles se dessinent au milieu de la foule. Noël ici en Colombie(s) est une attraction. N’importe quelle décoration lumineuse attire les familles qui sont de sorties pour admirer des parcs qui débordent de décorations lumineuses jusqu’à nous en éblouir. Alors qu’en France, Noël est un moment casanier, toutes les familles s’enferment ensemble dans les maisons, ici noël c’est en famille sur le pas de la porte, chaque maison possède des enceintes pour animer les jambes et une marmite (dans laquelle je pourrais rentrer) pour nourrir tout le monde. Alors Noël est en famille mais avec la porte ouverte à l’inconnu, au voisin qui passe par là.

Mylène

Quand mes amis de la France hexagonale ou d’ailleurs me questionnent sur Noël en Guadeloupe, je m’amuse toujours à en rajouter un peu, voire beaucoup plus pour leur faire plaisir, car après tout, durant les fêtes, c’est le moment ou jamais d’être charitable.

Je leur raconte que nous participons TOUS aux fameux « chanté nwèl » ; que le jour du réveillon, nous mangeons TOUSdes mets traditionnels succulents – boudins, accras, riz, pois etviande de porc…; que nous buvons TOUSénormément de « ti punch » et encore plus de champagne; que nous dansons TOUS sur du Kassav et des musiques «spécialfêtes» ; que nous sommes TOUS heureux, suivant l’esprit de Noël. Leurs yeux brillent, BRILLENT !

Et ensuite, je leur dis la vérité : le Noël Caraïbe, bah, c’est (un peu) comme partout ailleurs, le soleil en plus.

Nelson Deshommes 

Comme dans de nombreux pays, les haïtiens commencent à préparer Noël dès le début du mois de décembre. Les chants de Noël occupent la première place à longueur de journée à la radio. Les artisans de fanal s’activent pour illuminer les rues de la capitale avec leurs maisonnettes en papier qui font le bonheur de plus d’un.

Si la tradition de la fête de Noël demeure encore vivante dans l’église, sur un plan purement social on ne prête plus d’attention à cette grande fête familiale.

Autrefois il était question qu’on envoie des cartes de vœux à ses amis et à sa famille. Aujourd’hui cela ne se fait plus. Rarement on trouve des gens qui vous envoient juste un texto ou un message en utilisant les réseaux sociaux. On apprend plus aux enfants à écrire des lettres au Tonton Noël et de garder espoir de se réveiller avec plein de cadeaux.

Osman

Fin novembre-début décembre, le décor est planté pour recevoir le personnage, même s’il y vient rarement. Les airs de noël envahissent les ondes des radios. Les magasins sont décorés à l’effigie du « tonton » aux barbes blanches. Les sapins prennent possession des maisons et des rues.

24 décembre en soirée, ne demandez pas à personne de rester à la maison. Les rues bondent des jeunes. Le Père de Noël est quelque part, donc il faut le rencontrer.

Aux alentours de minuit, toujours dans la nuit du 24 au 25, après la messe, place au « réveillon ». Le riz au pois et le bouillon traditionnel font sortir de grosses gouttes de sueurs. Des haut-parleurs vomissent des décibels. Une gorgée de tafia par-ci, un morceau de « griyo » par-là. Et ensemble on chante : « Joyeux Noël et bonne année » !

Tilou

En Ayiti, la Noël a changé depuis quelques temps. Les sapins se font plus rares, les rues se vident des marchandes de guirlandes. Nos quartiers ont perdu leurs couleurs et nos villes, leurs chaleurs.

Plus triste encore, c’est l’esprit de la fête qui s’effrite. Certains avouent ne plus célébrer la Noël parce qu’ils n’ont rien dans la poche, d’autres ne reconnaissent le père Noël qu’en celui qui peut les nourrir. Les souhaits ne s’entendent plus, les vœux ont disparus.

Beaucoup d’entre nous, nostalgiques, prions que les situations économiques et sociales du pays s’améliorent pour que revivent les couleurs de notre enfance. Mais peut-être que nous nous y prenons mal : Au lieu de chercher notre père Noël en autrui, pourquoi ne pas être le père Noël dont a besoin l’autre ? C’est mon vœu pour les fêtes qui s’amènent. Bon Noël à la Caraïbes et à la terre entière !

Zacharie Victor

L’arrivée de Noël en Haïti apporte de nouvelles conceptions et change le quotidien des gens. Surtout en milieu urbain, c’est un moment favorable pour tirer profit économiquement. Les magasins, les boutiques, les entreprises et quelques maisons sont décorés. A la tombée de la nuit, la ville se transforme en une vraie ville de lumière et d’esthéticité. Il y a rabais sur presque tous les produits. Des concours sont organisés, les publicités sont fréquentes sur tous les medias également dans les rues. Les offres sont abondantes, si vous achetez tels produits, vous aurez tels primes. Par ailleurs, on assiste à la multiplication des marchandes dans les rues, sur les places publiques avec des produits très convoités. A cet effet, ça crée une véritable tension ou concurrence au sein des vendeurs ou des consommateurs. Dans différents quartiers, des fêtes sont organisées, soit en famille, entre amis ou pour toute la communauté.

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