La fille qui ne croit plus en l’amour

Une, deux, trois expériences au compteur, la mémoire encombrée d’épouvantables souvenirs, l’âme encore alourdie par la haine […], à seulement vingt-six ans, Jeanne songe déjà à fermer la parenthèse de sa vie amoureuse. Pourtant avant, elle s’y accrochait avec une naïveté maladive. Aujourd’hui, entre angoisse et méfiance, le présent a eu raison de son passé, marqué de sa crédulité féminine. Cœur plein de mépris et de déceptions, la fille ne se sent plus capable de se livrer à aucun homme. Le comble de la méfiance.
En effet, profondément blessée par les vieilles histoires, les unes plus frustrantes que les autres, ma nouvelle colocataire nourrit un immense dégoût pour les relations sentimentales. Elle voit désormais dans chaque courtisan un bourreau, un manipulateur. Un sexe opposé qui veut profiter de son joli corps de femme. Ainsi, les joues toutes noires de tristesse, elle s’imagine difficile se livrer à quelqu’un, par peur de ne pas blesser à nouveau son cœur, déjà mutilé par le remords.
Après trente minutes de conversation, le regard de Jeanne devient un mur impénétrable, une masse de ténèbres où tout a sombré dans le brouillard nostalgique du passé. Envahie d’angoisse, elle incline la tête, gênée et honteuse d’avoir livré son cœur et son corps parfois sans avoir même réfléchi. Mes bonnes plaisanteries ne suffisaient point pour apporter un peu de sourire sur son visage, de plus en plus crispé.
Aujourd’hui, à ce carrefour fragile de sa vie de femme, l’étudiante en sciences comptables ne veut plus souffrir. D’ailleurs, son cœur en a assez. Les battements de ses lèvres nerveuses en disent long. Elle paraît avoir la tête lourde, comme trop pleine d’idées tumultueuses qui s’y choquent. Mademoiselle qui était si fière d’elle, se trouve désormais à un niveau d’estime de soi inquiétant. Elle est gravement blessée dans son orgueil de femme. Jeanne devient un sujet psychologiquement délicat.
Cependant, quoiqu’il en soit, après toutes ces expériences jugées négatives, à écouter la fille attentivement, on se rend compte, qu’elle pense encore à jouir de ce plaisir que partagent les gens qui s’aiment. Oui, je peux vous le rassurer, Jeannie, comme on l’appelle affectueusement dans l’appartement, veut absolument goûter à ce bonheur qu’est l’amour partagé. Mais les cicatrices de sa vie passée heurtent encore son esprit, toujours marqué par l’indifférence de ses premiers amants à son égard.
Osman Jérôme
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