Balade dans une ville noctambule

5 octobre 2015

Balade dans une ville noctambule

Vie nocturne à Saint-Marc, Haïti (c) Osman
Vie nocturne à Saint-Marc, Haïti (c) Osman

Grâce à l’abondance de ses divertissements nocturnes, Saint-Marc se fait une réputation de ville sans sommeil. En semaine ou en week-end, il y a toujours une affiche qui attire les friands des grandes foules. Ainsi, la ville sort de la monotonie des soirées ordinaires.

En effet, quand les rayons du soleil prennent leur recul sur la ville, le soir venu, la capitale du bas-Artibonite offre une atmosphère qui invite toujours au plaisir. La tristesse n’est pas Saint-Marcoise. Cette nuit-là, la cité en a fait preuve, et j’en ai profité à satiété.

Contrairement aux prévisions météorologiques, la ville a connu une fin d’après-midi bien calme, loin des tonnes de pluie qui feraient inonder certaines rues en manque d’infrastructure.

La nuit s’avance avec tout ce qui l’accompagne : black-out, vrombissement des groupes électrogènes, le bruit des taxi-motos, la musique des bars, l’ambiance des boîtes de nuit… En fait, tout un package pour une nuit sans sommeil comme la ville en est habituée.

Entre mon bar habituel et les autres alternatives, ce fut un autre samedi soir de grand dilemme. Difficile de faire un choix. Alors, comme pour m’assurer de tout profiter, j’ai décidé de m’offrir un petit tour, ou du moins de visiter quelques points de repère où les noctambules forcenés ne se font pas prier pour jouir de leur énergie et de leurs poches.

Il est presque 22h. Direction Portail des Guêpes.  Entre les décibels des haut-parleurs, l’odeur des fritures, la senteur de l’alcool, la fumée des cigarettes, ici la vie trouve son sens pour les hédonistes.

À quelques mètres du Lycée Sténio Vincent, la discothèque du coin attire la grande foule. Dans les parages, des femmes aux mini-jupes agressives, corsages largement débrayés, lèvres salement fardées font valoir leur puissance de séduction. Mais ce soir, le commerce sexuel ne fait pas bonne recette. Regroupées dans la pénombre, les prostituées s’en plaignent. Voire que certains clients rechignent toujours au prix du service.

À l’intérieur du club, presqu’aucune table n’est vide. Jeux de lumière, musique, un cocktail qui fait les délices du public, déjà séduit par  l’ambiance qui consume cet espace, rempli comme un œuf.

La satisfaction éprouvée par le public se lit dans chaque chemise imbibée de sueur, dans les cris stridents des jeunes, des filles notamment qui ne se font pas prier pour envahir la piste de danse, faisant ainsi valoir toute leur potentiel pour la danse. Comble totale de l’euphorie.

Un peu après minuit, soudainement une bagarre s’éclata entre deux hommes, visiblement dépassés par le taux de l’alcool contenu dans leur sang. Ce fut pour moi un prétexte de vider les lieux. Surtout qu’aucun agent de sécurité n’y soit aperçu.

Après avoir respiré pendant quelques minutes, comme un naïf,  j’ai suivi un groupe de gens qui marche vers la rue Pétion, où un bar-dansant est fraichement inauguré.

Ici, contrairement à la première adresse, l’espace est à peine rempli à moitié. Mais c’est une ambiance de haute tension qui se dégage dans cette salle, faiblement éclairée.

Derrière ses platines, le jeune DJ de service fait preuve d’une dextérité remarquable. Le public est acquis à la cause de ses touches. Déhanchements des reins, « coller-serrer » des couples, c’est une ambiance ponctuée de musique hot qui fait piaffer cette foule qui en redemande à chaque fois.

De medley en medley, l’ambiance s’intensifie au tant que s’égrainent les minutes. Quand les premières notes du refrain de « Validé » sortent des haut-parleurs, comme un seul homme, tout le monde se met à bouger à tue-tête. X-Man et CARIMI ont gagné le pari. Et quand cette fille au corps diablement élancé, se déambule sur la piste tel un serpent en pleine démonstration pour prouver de quoi ses reins sont capables, ce fut le délire total.

Il sera bientôt 2h du matin. Entre-temps, une sensation de faim me guette l’estomac. À cette heure, les restaurants traditionnels ne fonctionnent presque pas. Tout compte fait, direction du Boulevard de la liberté.

Ici, dans ce marché improvisé sous les étoiles, contrairement à l’ambiance festive des boites de nuit, c’est un autre spectacle beaucoup moins extravagant.

Une chaudière par-ci, une table par-là. Entre les tas d’ordures et les nourritures préparées, un décor à peine imaginable est planté. N’empêche que les consommateurs font de la queue pour être servis.

En effet, loin d’un instant d’extase dans des gorgées de bière ou autres substances psychoactives, ici les gens cherchent plutôt à apaiser leur faim, même si c’est dans des conditions d’hygiène souvent déplorables. Ventre affamé n’a ni œil ni odorat. Bref.

Un sandwich, une gazeuse. J’ai été déjà prêt pour rentrer chez moi. Arrivé à 2h45, Lucky, le petit chien adoré de la famille m’attendait déjà. Comme pour dire que, à l’instar de la ville, même les animaux domestiques sont sans sommeil. Vive  le dynamisme nocturne de cette ville qui dort tard et qui se lève tôt.

Osman Jérôme

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