Haïti : le processus électoral vu par des blogueurs

2 juin 2015

Haïti : le processus électoral vu par des blogueurs

Élections en Haïti-© Crédit photo: https://hpnhaiti.com
Élections en Haïti-© Crédit photo: https://hpnhaiti.com

En dépit de certaines irrégularités techniques, après des mois de tensions, de tergiversations, de négociations et de pressions, la machine électorale a été finalement mise en marche. Et depuis, les secousses du séisme électoral n’ont cessé de secouer une scène politique haïtienne déjà trop fébrile.

Collège électoral en manque de crédibilité, indisponibilité des fonds, candidatures rejetées, candidatures contestées [..], selon certains observateurs, le contexte politique actuel paraît peu favorable à la réalisation des scrutins.

En effet, avec un regard souvent différent des journalistes traditionnels, les blogueurs commentent aussi les actualités haïtiennes. Dans des opinions parfois si brillamment soutenues, ces jeunes observateurs vont de leurs propres commentaires sur ce processus électoral, qui demeure encore nébuleux. Morceaux choisis :

Les candidats

Dans son texte titré « Être candidat en Haïti », Diego Mythri va droit au but ; il a perception pour le moins pessimiste de ceux qui cherchent maladroitement à briguer des postes politiques, souvent sans même savoir dans quoi ils s’embarquent réellement.

« En Haïti, être candidat ne relève pas du passé et du renommé du personnage. Ce qui importe c’est d’avoir un staff de campagne capable de se charger efficacement des affiches et des retouches spéciales des photos, au moyen du Photoshop, durant les mois de campagne électorale », a tristement observé le jeune blogueur.

La « candidatite »

L’arrivée surprise de Michel Martelly à la tête du pays, n’est pas en effet sans conséquence sur la perception du pouvoir en Haïti. Car depuis l’avènement de l’ancien chanteur « controversé » à la plus haute magistrature de la république, on observe une agressivité inquiétante du plus commun des mortels pour accéder au sommet des affaires politiques. Ainsi, tout le monde pense pouvoir être n’importe qui dans cette société, regrettent certains observateurs.

Désormais, il existe un concept, un néologisme pour parler de ce virus qui semble atteindre une bonne partie de la population haïtienne, rêvant d’arriver par tous les moyens au pouvoir ; c’est la « candidatite », perçue comme un fleau qui deferle sur tout le pays.

« Dans le vacarme de la machine électorale, en ce temps de fièvre des élections en Haïti. Une curiosité exceptionnelle s’est emparée du public. À cause d’une maladie mortelle, appelée  « candidatite » qui frappe subitement un bon nombre de mes concitoyens. La passion d’acquérir du bien plus rapidement serait la principale motivation de la majorité de ces candidats », a lamenté Nelson Deshommes, dans une réflexion drôlement intitulée : Haïti- Élections, qui n’est pas candidat?

Les partis politiques

À bien observer la tendance actuelle, il faut s’attendre un jour que chaque électeur aura son propre parti politique en Haïti. Car à chaque période électorale, les regroupements politiques poussent comme des champignons.

En effet, de l’avis de Worlgenson Noël, cette pratique constitue un obstacle au bon déroulement du processus électoral. Dans son article : « Monsieur le candidat, quel est votre bannière politique ? », l’étudiant en Communication Sociale à la FASCH ne va pas avec le dos de la cuillère. Pour lui : « la prolifération des partis et regroupements politiques se mobilisant pour les prochaines élections peut être un facteur considérable susceptible de constituer un fil à retordre pour les choix potentiels des électeurs qui seront contraints de disséquer leur vote ».

Le Conseil Électoral Provisoire (CEP)

Les saisons électorales haïtiennes se suivent et se ressemblent presque toutes. La crédibilité des institutions chargées d’organiser les élections souffrent toujours d’une carence de crédibilité. Et ce nouveau CEP ne fait pas l’exception de la règle.

Cette anomalie institutionnelle n’est pas passée inaperçue sous les yeux de Diego  Mythri  Pour lui,  « L’actuel CEP, comme tous les autres institués dans le passé, souffre d’une déficience de crédibilité. Mais celui-ci risque d’atteindre le stade anémique sévère en termes de fiabilité. Alors que des responsables des partis s’interrogent sur l’applicabilité du calendrier électoral, qui prévoit d’organiser les élections en trois temps, le problème de crédibilité resurgit dans  les débats ». Alors, comment dans telles conditions, ne pas être sceptique quant à la tenue de bonnes élections dans le pays ?

Et la démocratie ?

La chute dictatoriale des Duvalier, est pour certains, une sorte de rentrée triomphale d’Haïti à l’ère démocratique. Cependant, presque trente ans après, le terrain politique de la première république Noire semble n’être pas toujours propice au développement complexe de la démocratie.

Widlore Mérancourt abonde dans le même sens. Dans « Élections mortelles », l’étudiant en sciences juridiques est clair : « La simple évocation de la démocratie n’en fait pas une réalité, en ce sens que le système se donne à voir par la matérialisation de ses différents éléments. Ainsi, l’organisation honnête et périodique d’élections est une nécessité absolue à la mise en place et la pérennisation de tout système se revendiquant comme tel ».

En effet, à quelques mois de la réalisation des prochaines compétitions électorales (s’il y en aura bien entendu cette année), entre pressions et confusion, sous le ciel politique d’Haïti, se défilent de gros nuages d’inquiétudes. Et vous savez, le paradoxe dans tout ça, c’est que, seule la réalisation d’élections crédibles sera capable de dissiper tous ces doutes.

Osman Jérôme

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