Vers une dépréciation de la radio en Haïti

16 mars 2014

Vers une dépréciation de la radio en Haïti

Crédit photo : Lens Vital pour Music509 online radio
Crédit photo : Lens Vital pour Music509 online radio

La radio est un média important. Je ne vous l’apprends pas. Malgré la grande influence de l’Internet dans le partage et de la consommation de l’information, elle n’a pas pourtant tout perdu de sa valeur en termes d’écoute.

La radio a toujours été un canal de communication très apprécié en Haïti. Il fut un temps, tout ce qui y était dit, était souvent pris comme l’évangile pour les plus naïfs. On faisait du crédit aux travailleurs de la presse.  L’homme de radio était une voix autorisée. Il y avait alors un souci de qualité et d’éthique dans le métier de journaliste.

Néanmoins, depuis quelque temps, une bonne partie de la bande FM haïtienne patauge entre amateurisme et médiocrité. La dégringolade est flagrante. Au point même aujourd’hui, certains se questionnent sur le rôle de la radio dans la société haïtienne.

Faire de la radio en tant que journaliste, chroniqueur, analyste ou animateur, est-ce un simple désir à satisfaire ou une activité professionnelle dont il faut respecter les principes ? Faire de la radio, exige le respect de la déontologie de la profession. Sinon, tout le monde deviendrait journaliste ou animateur de radio, comme c’est presque le cas malheureusement en Haïti aujourd’hui.

Hier, la rue répétait ce qui était dit à la radio. Aujourd’hui les choses ont changé. C’est plutôt la radio qui répète ce qui est dit dans la rue. Aberration !

Disons-le tout net, le souci professionnel paraît-il n’est plus une priorité dans le fonctionnement de beaucoup de stations de radio en Haïti. Et je me permets même d’insister ; faire de la radio, ce n’est pas de l’imaginaire où tout est permis. Il y a une rigueur professionnelle à respecter.

Plus de médiocrité, moins de crédibilité !

D’un temps à l’autre, il faut s’attendre à une anomalie qui vient entraver le fonctionnement professionnel de la radio haïtienne. Quand ce n’est pas l’incompétence de certains journalistes qui abordent des dossiers qu’ils ne maîtrisent pas, ce sont des animateurs d’émissions musicales qui commercent leur crédibilité avec des groupes musicaux, toujours friands de popularité.

Cette problématique est plus récurrente dans le secteur culturel, où on a comme l’impression que chaque animateur de radio défend son propre intérêt ou celui de son groupe favori. Où est l’éthique dans tout ça ?

Autre phénomène inquiétant : le rappeur-animateur. Oui, aujourd’hui en Haïti, le rap est un phénomène de société, un mode de vie. On en reparlera peut-être dans un prochain billet. Des soi-disant rappeurs, en panne d’éducation, envahissent désormais les ondes haïtiennes. Et ils s’autoproclament le titre honorifique d’animateur de radio. Pour dire quoi ?

Pour faire la promotion de leurs débilités artistiques, censurées par certains médias rigoureux, aujourd’hui, nombreux sont les adeptes du rap à se faire passer pour travailleurs de la presse. Quelle presse ? Où ont-ils été formés ? Par où sont-ils  passés pour arriver là ? Demandez-le aux patrons des médias qui leur accordent des heures d’antenne pour venir débiter n’importe quoi aux oreilles des auditeurs.

Journalistes « achetés », animateurs incompétents, informations manipulées, médias partisans, indiscipline professionnelle des uns, extravagance des autres, la liste des reproches faits aujourd’hui aux travailleurs de la presse et ceux de la radiodiffusion en particulier est longue.

Dans la foulée, de nombreuses voix se sont déjà élevées pour dénoncer cette médiocrité qui se propage sur nos ondes. Mais les remarques sont comme tombées dans des oreilles de sourds. Et d’ailleurs comment amener à la raison celui qui ne veut pas entendre.

Des journalistes qui imposent leurs lois

Il y a quelques années un journaliste très célèbre à Port-au-Prince, a voulu « impressionner » un conseil électoral, qui retardait dans la publication des résultats de certains scrutins. Dans son « auguste pouvoir », un  jour, l’homme a pris rendez-vous avec son large auditoire. Il a promis de divulguer les résultats si l’instance électorale ne le faisait pas à telle ou telle date. D’ailleurs, il a laissé croire avoir déjà les résultats en main.

Madame, monsieur, toute une République est en alerte. Vous pouvez imaginer. L’organisme électoral semble ignorer la « menace ». Et, à la surprise générale de tout le monde, l’homme arriva à sa populaire émission sans publier les résultats comme promis.

Dans l’interaction avec le public, face au mécontentement de certains auditeurs, le journaliste s’est tout simplement contenté de dire qu’il avait écouté les conseils de certains amis.

Parfois on se demande, de quel droit ou de quelle couverture, on ne sait pas, certains journalistes haïtiens pensent pouvoir dire n’importe quoi sur n’importe qui, n’importe comment. Récemment à Saint-Marc, j’ai écouté avec peine un journaliste senior connu pour son arrogance provocatrice, mettant en défi les autorités municipales  sur un dossier on ne peut plus brûlant . Le « micro », rendrait-il parfois trop « chef ? ».

De surcroît, actuellement; le sens du professionnalisme, les valeurs radiophoniques se perdent graduellement dans le « superstarisme » de nos journalistes, de nos animateurs d’émissions, vedettes jusqu’au seuil de la provocation.

En dépit de toutes ces observations « négatives », je peux vous garantir que, comme hier, aujourd’hui encore il y a sur les ondes haïtiennes des hommes de micro compétents. Des gens formés pour leur boulot de journaliste.

Alors mes chers amis, pensez à ce que serait le secteur radiophonique haïtien, sans cette minorité de patrons de médias, de journalistes, d’animateurs, de chroniqueurs, d’analystes qui, dans leur travail, se battent pour une presse parlée digne de sa mission.

Osman Jérôme

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Commentaires

Wolf Quiet Boy Quiet
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J'ai un extrait d'une émission ou un journaliste était en train de faire la comparaison entre deux politicien de la villes des cayes, un ex sénateur et un ptit bourgeois, c plus que triste, car sa position était trop facile a voir. super billet comme tjrs.

Osman Jérôme
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Encore une autre anecdote dans la longue liste.

RitaFlower
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IL manque juste ta Voix Osman à ton éditorial sur la Radio Haitienne.On veut écouter l'Animateur que tu es au Micro parler à ses Fidèles auditeurs.IL y a une Liberté de ton à la Radio qu'on a pas ailleurs sans les Caméras de télévisions.

Osman Jérôme
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Haaa, Rita, je ne peux pas te garantir une belle voix en tant qu'animateur, mais je peux faire de mon mieux pour ne pas de te décevoir :)

Kenley
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Mon frere je te felicite pour ce billet. Il y a le phenomene DJ qui envahit les radios haitiennes.

Osman Jérôme
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Voila encore un autre problème très grave. Car, aujourd'hui, on a comme l'impression qu'on ne fait aucune différence entre l'animation radio et celle du DJ.

Boukari Ouédraogo
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Au Burkina, ce sont les DJ qui font la loi sur les radios. Il suffit de se déclarer DJ et on te laisse débiter des âneries sur une station. Il y a un célèbre animateur de radio ici qui fait une revue de la presse dans une langue locale totalement en décalage avec ce qui est écrit dans les journaux parce que le gars ajoutent ses commentaires personnels dénaturant ainsi l'article d'origine. Mais on laisse faire.

Osman Jérôme
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Bon, de quel droit un DJ de procéder ainsi? Quel culot hein! C'est dommage qu'il en soit ainsi aussi au Burkina.