Comment vivre de l’art-mendicité en Haïti

11 février 2013

Comment vivre de l’art-mendicité en Haïti

La mendicité comme phénomène de société, est vieille comme «l’Age de la pierre taillée». Depuis la nuit des temps, des enfants abandonnés, des jeunes et des adultes sans emploi, mendient dans les lieux publics pour subvenir à leurs besoins. Au fil du temps, cette activité prend une proportion grandissante. Notamment dans les pays sous-développés. Au point même qu’elle devienne pour certains un métier, un art pour vivre.

« Pito’m mande, olye’m vòlè » (Quémander vaut mieux que de voler). Tout Haïtien, digne de ce nom connaisse bien ce refrain. Oui, à défaut de ne pas pouvoir ou de ne pas vouloir travailler pour gagner son pain quotidien, les gens préfèrent demander de l’aumône au lieu de dérober. C’est plus que bien. Cependant, tenant compte de l’ampleur que prend cette pratique, parfois trop encourageante, ne serait-elle pas un des facteurs qui poussent certains jeunes à s’endormir du matin au soir sur le lit trop vaste de leur paresse chronique ?

Hormis les habitués sans abris, handicapés, communément appelés « Pòv », retrouvés dans des endroits spécifiques, dont les devants des paroisses catholiques, depuis quelque temps, s’ajoute un autre groupe de personnes  à cette activité, de jour en jour plus visible devant les super marchés, dans les gares, les restaurants, les places publiques, entre autres. Ils sont des deux sexes et de tout âge. Parfois, ces mendigots montent leurs bases dans les autobus et les centres hospitaliers. Dans la plupart des cas, ils font toujours bonne recette.Surtout que l’haïtien a le cœur en main.

Pour vous sensibiliser, le mendiant vous compte très souvent une histoire, qui toucherait même la sensibilité du diable : un enfant meurt de faim, un parent dans le coma, quelques jours sans manger, autant d’histoires réelles ou imaginaires, montées de toutes pièces avec du professionnalisme pour épouser l’humanisme des passants, activer leur sens de générosité. «D’ailleurs, l’homme peut réussir sa vie grâce à ses vertus, son courage, son intelligence, toutes les qualités données par Dieu à chacun». Fin de citation.

Tant que le temps court, le taux de sans travail grimpe, et la mendicité, qui s’est transformée en une forme de métier autodidacte, gagne quotidiennement du champ. Les gens se professionnalisent, se perfectionnent dans l’art de quémander.

Le type qui portait un maillot  rouge, à qui vous avez fait aumône ce matin dans un bar, vous le retrouverez plus tard à un autre endroit.Mais, cette fois-ci, portant une chemise noire, toujours pour le besoin du travail. « Il n’y a pas de sot métier« . (Rires).

A force de fréquentation, certains de ces mendiants gagnent en popularité. Dans ce cas, la stratégie est d’aller s’exercer dans d’autres villes où ils ne sont pas connus. Donc, il n’est pas étonnant, que celui que vous avez charité quelque chose hier à Saint-Marc, vous tend le creux de sa pomme aujourd’hui aux Gonaïves.

En effet, si certains s’adonnent honteusement à cette piteuse activité,parce qu’ils n’ont rien d’autres à faire malgré parfois leur bonne volonté, par contre d’autres s’y exercent fièrement, pensant que c’est la façon la plus simple de gagner sa vie, car leur paresse avouée ne leur conduira nulle part.

« Ici, c’est mon endroit préféré, malgré certaines humiliations, je rentre toujours chez moi avec quelque chose », m’a glissé un jeune homme devant un super marché. « J’ai 4 enfants, orphelins de père. Il m’est difficile de trouver un boulot pour occuper les enfants, ma vie ne dépend que du ciel et de la générosité des gens« , a pour sa part, lamenté cette mère accompagnée deux de ses progénitures.

Il faut dire en passant que, la mendicité, sous une autre forme, dirait-on plus classique, est présente dans presque tous les secteurs de la vie nationale ; des parlementaires mendient au palais national aux bénéfices de leur région ou de leurs poches ? Des musiciens, artistes mendient aux sponsors pour sortir leurs œuvres. Des pasteurs mendient aux fidèles au nom de la parole de Dieu. Et n’en parlons même pas du Gouvernement qui mendie à la communauté internationale, pour exécuter beaucoup de ses projets. Par conséquent, la République est mendiante.

En effet, conjointement à d’autres régions du monde, certaines lois haïtiennes interdisent la mendicité. Récemment, l’ancien commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Maître Jean Renel Cénatus a tenté de mettre en application cette mesure, afin d’éradiquer ce phénomène. Car, selon les témoignages, la mendicité au tour des banques commerciales, serait à la base de plusieurs actes de banditisme perpétré ces derniers temps dans la capitale haïtienne.

Cependant, de l’avis de certains observateurs, ce ne sera pas tâche facile de finir du jour au lendemain avec cette pratique. Car selon ces citoyens, la précarité du contexte socio-économique stimule même le développement cette activité, de jour en jours plus visible dans nos rues. Donc, vu cette descendance vertigineuse que prend l’économie nationale, il est évident que dans les prochaines années, le nombre des mendiants dans les rues s’accroît considérablement. Mais, entre temps,  » on peut toujours donner quand on peut, autant que l’on peut, à qui l’on peut.Car il y a plus de bonheur de donner que de recevoir« .

Osman Jérôme

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